En juin 2016, le Directeur général du club de hockey le Canadien de Montréal, Marc Bergevin, avait dit que l’échange de PK Subban aux Predators de Nashville contre Shea Weber était une Décision d’affaires. En juillet 2016, puisque toutes les autres hypothèses avaient été vidées, j’avais entrepris l’analyse de ce Blockbuster sur le seul angle qui restait, celui qui avait été annoncé, l’angle officiel… La décision d’affaires.

C’est en août 2014 que PK Subban avait lancé sa propre marque de commerce. Son entreprise, PKSS Management, attirait des commanditaires qui voulaient s’associer à un athlète qui était partout où ça bougeait. Avant lui, aucun autre hockeyeur n’avait affiché ouvertement ce style de vie. Selfie par-ci, post par-là pour celui qui était suivi par des centaines de milliers de personnes sur les médias sociaux. Justement, dans cette nouvelle ère, à l’âge de Facebook, Instagram, Twitter, Tik Tok, YouTube et autres, ce Lifestyle peut être rentabilisé.

Cependant, la valeur marchande de PKSS Management et les revenus de l’entreprise résidaient dans la visibilité que le hockeyeur pouvait acquérir grâce à ses performances sur la glace. PK, il ne pouvait en être autrement, était une entreprise dans l’entreprise. Pire encore, au rythme où il carburait, il était en phase de devenir aussi populaire que son équipe, ce qui, il va sans dire, aurait été dommageable pour la notoriété de la marque de commerce du Canadien de Montréal.

En faisant une promesse de don de 10 millions de dollars au Montreal Children’s Hospital, PK Subban qui s’était immédiatement mérité le titre du sportif le plus généreux de l’histoire du Canada, avait réservé sa première mise-en-échec pour la Fondation des Canadiens de Montréal. 

Le club de hockey s’est doté d’une fondation qui, en plus de quelques patinoires communautaires, fait des dons très peu significatifs à des organismes communautaires. En 2015-2016, elle avait distribué 932 904$ à 67 organismes pour rejoindre 31 211 enfants. Le don moyen à ces OBNL était de 13 924$ et l’investissement annuel par enfant s’élevait à 29,90$.

Pour la même année fiscale, mais en moins de 12 mois, PK Subban avait remis 820 000$ au Montreal Children’s Hospital. Ainsi, il était devenu, du jour au lendemain, un philanthrope plus gros et plus large que son employeur.

Même si le Montreal Children’s Hospital est une des organisations, où depuis des années, pour le Temps des fêtes, le Club amène ses joueurs surprendre et égayer des enfants malades, le Canadien de Montréal avait choisi de capitaliser sur la générosité de PK Subban en mentionnant son don dans son Rapport annuel 2015-2016. Cependant, les dirigeants de l’équipe savaient qu’au-delà de sa générosité, que c’était aussi pour installer la notoriété de PKSS Management que l’athlète s’était généreusement et spectaculairement investi auprès de l’hôpital.

L’ampleur du risque de déficit d’image pour le Canadien de Montréal et sa fondation s’était matérialisée lors de l’annonce du 31 août 2016 quand, un mois après l’échange avec les Predators de Nashville, la direction du Montreal Children’s Hospital Foundation avait confirmé que le hockeyeur avait amassé 1,12 millions de dollars lors de sa campagne de financement. Pour atteindre l’objectif de la première année de sa promesse, PK avait sorti 280 000$ de ses poches.

Avec ces 1,4 millions de dollars, l’Hôpital avait aidé 9 000 personnes. Cinq fois plus élevé que celui de la Fondation du Canadien de Montréal, l’investissement per capita de PK avait atteint 156$. Le joueur avait ainsi complété sa mise-en-échec en confirmant l’infériorité numérique du programme de Responsabilité sociale (RSE) de son employeur.

Autre attaque massive contre son équipe, PKSS Management, entre autres, pour respecter la promesse de don, faisait concurrence directe au Canadien de Montréal en vendant des produits dans le même créneau. De plus, l’entreprise de PK Subban avait conclu des ententes avec des Majors comme RW&CO, Samsung, Sports Experts, Air Canada, Boston Pizza, Gatorade, Bridgestone, Scotiabank et Davids Tea.

Mine de rien, PK Subban avait attiré des entreprises plus prestigieuses que l’Impact de Montréal, un club de soccer qui, cette année-là, avait dans son alignement, l’International Didier Drogba. À moins que ça ne soit un pur hasard, pratiquement toutes ces entreprises qui avaient plaquée une bannière quelque part dans le Centre Bell avaient été séduites par la force d’attraction de PK Subban. À moins qu’elles n’aient augmenté leur budget de marketing, avec cette entrée de zone, PKSS Management aurait soutiré une part dans un marché sur lequel son employeur avait, depuis toujours, une domination sans partage. C’est là que PK Subban avait franchi la ligne rouge.

Comme tous les autres joueurs de la Ligue nationale de Hockey, PK Subban, quand il portait le chandail bleu-blanc-rouge, était la propriété de son équipe. En menant ses propres activités lucratives, PK Subban, l’entrepreneur qui, avec le Club, n’avait pas négocié un partenariat pour partager le marché, avait fait de l’ombrage à la marque de commerce de son employeur. C’est là que le jeu avait avorté !

S’il fallait, au plus sacrant, expulser PK Subban de Montréal, le mettre hors-jeu, c’est parce que depuis plusieurs années, le Core business du Club est la gestion de la marque et non pas la gestion d’une équipe gagnante. Perd ou gagne, le Canadien de Montréal jouit d’une marque au poids imposant qui peut faire vendre à peu près n’importe quoi. Et comment ! Dernièrement, le Club est sorti de son créneau pour aller construire des appartements de luxe.

Il n’y a pas de doute et les dirigeants de l’organisation le savent, cette équipe de hockey n’a pas besoin de gagner pour être rentable. Les partisans savent qu’ils font partie d’un marché captif. Marc Bergevin pouvait aisément, comme il le faisait si bien avant son congédiement, continuer à les convaincre de se satisfaire d’une équipe qui depuis plus de 20 ans, ne faisait que les exciter avec la quête d’une 8e place, juste ce qu’il fallait pour jouer les figurants en première ronde des Séries éliminatoires.

Avec une telle stratégie d’affaires, si cela en est une, la prochaine Coupe Stanley, ça finira par arriver, sera un accident de parcours utile mais non nécessaire à la rentabilité de l’entreprise.

Pour que le Canadien de Montréal échange un joueur talentueux, spectaculaire et idolâtré, un an après lui avoir fait signer le plus gros contrat de l’histoire de l’équipe et si Marc Bergevin disait vrai, c’est parce que leur relation d’affaires avait dramatiquement changé. Mais, Marc Bergevin n’avait pas pour autant fait une Décision d’affaires. Au contraire ! Il avait été contraint par la stratégie d’affaires de PKSS Management, de faire une vente-débarras pour dégager son territoire.

Si et seulement si, l’échange de PK Subban était une véritable Décision d’affaires, c’est Dave Poile, le Directeur général des Predators de Nashville qui l’avait faite. Il avait vu une opportunité là ou Marc Bergevin voyait une menace. Il avait vu la force de ce qui représentait une faiblesse pour l’autre. Dave Poile était passé à l’action et il avait placé Marc Bergevin en réaction. C’est lui qui avait contacté le DG du Canadien de Montréal. Pas l’inverse.

Dave Poile avait dit, qu’à son avis, aucun joueur ne pourrait donner autant d’exposure à son équipe que PK Subban. Il était un fan de son nouveau joueur, de celui qui pouvait changer la partie sur la glace, comme dans la communauté. Pour le bien de son coffre-fort, Dave Poile avait dit souhaiter que PK Subban ne change pas, qu’il continue à donner un spectacle sur glace et à se donner en spectacle hors glace.

Dave Poile voulait d’un joueur qui serait premier sur la rondelle, magistral sur la glace et impérial sur le Red Carpet. C’est dans cette logique qu’il s’était départi de Shea Weber, un leader talentueux, respecté, conformiste, qui, comme de fait, avait platement atterri à Montréal sur un terrain de golf.

À l’inverse, PK Subban, ce Rock Star talentueux, articulé, flamboyant et non-conformiste, avait pris Nashville By Storm. À sa première visite, celui qui ne recule pas devant un micro ou une caméra, celui qui adore le Lifestyle of the Rich and Famous, avait débarqué dans une boîte pour y chanter du Johnny Cash.

Oui, c’est Dave Poile qui avait fait une Décision d’affaires.  Il avait opté pour un joueur reconnu pour son exubérance et qui serait capable de faire parler des Predators de Nashville, une marque poids plume dont PK Subban ne pourrait que faire augmenter la valeur et ce, même s’il devenait, une fois de plus, une entreprise dans l’entreprise.

Dave Poile avait pris un risque qu’il était capable de gérer. Il savait que Nashville, deviendrait rapidement, le deuxième marché de PKSS Management. Mais surtout, il devait surement savoir que sa Décision d’affaires pourrait changer, à tout jamais, les rapports entre les propriétaires et les joueurs de hockey.

Si, à Nashville, PK Subban, l’entrepreneur, avait réussi sa stratégie d’affaires, il aurait établi de nouvelles normes pour la prochaine génération de stars du hockey. Si PK Subban avait continué à forcer le jeu, s’il avait réussi à atteindre son but, plus jamais aucun joueur n’aurait accepté d’appartenir exclusivement à son propriétaire.

C’est désormais comme ça que ça se passe dans le merveilleux monde du sport.

Ce texte a été publié en juillet 2016 et mis à jour le 20 septembre 2022, le jouer où PK Subban avait annoncé avoir pris sa retraite du hockey, pour entre autres, se consacrer à ses œuvres de charité et ses affaires. Le 20 septembre 2022, PK Subban avait fait une Décision d’affaires.