Après une présence de près de 40 ans, le YMCA Hochelaga-Maisonneuve fermera ses portes le 31 décembre 2019. Puisque je suis un de ceux qui a dirigé cette organisation, pour la mémoire, je me permets de vous raconter quelques facettes de son histoire que je suis peut-être un des seuls à connaitre. Mais, je ne suis certainement pas le seul à les avoir vécu.
C’est le 17 avril 1947 que la Ville de Montréal a cédé au Montreal Boys and Girls Club un terrain situé dans le Village incorporé d’Hochelaga pour y construire des installations sportives destinées exclusivement aux jeunes hommes. Et oui. C’était comme ça dans ce temps-là. Et dire que ça ne fait pas si longtemps que ça.
Les installations ont été érigées dans le quadrilatère formé par les rues Aird, Hochelaga, Bennet et Boyce. Avec les Jeux olympiques de 1976, en toute logique, il fallait autour du stade une rue qui porterait le nom du fondateur de la grande messe sportive moderne. Vue sa situation géographique, la rue Boyce était toute désignée pour prendre le nom de Pierre de Coubertin.
Le Montreal East End boys Club a été inauguré en octobre 1949. Il a desservi une clientèle de jeunes hommes anglophones. Mais la situation économique et la composition démographique de l’Est de Montréal allaient changer du tout au tout en moins de 30 ans. En particulier, le Village incorporé d’Hochelaga, devenu le quartier Hochelaga-Maisonneuve, était occupé par des citoyennes et des citoyens majoritairement francophones. Faute de clientèle, le Montreal East End Boys Club a fermé ses portes en septembre 1979.
La Ville de Montréal, propriétaire des installations, avait proposé au YMCA de Montréal de reprendre les activités dans les locaux laissés vacants. Le 11 octobre 1979, les deux entités ont signé un bail emphytéotique à la valeur de 1$ par année pour une durée limitée mais renouvelable. Condition sine qua none, contrairement au Montreal East End Boys Club, les installations devaient être ouvertes au public en général sans discrimination basée sur le sexe. Ça peut paraître étrange aujourd’hui, mais il fallait le spécifier parce que le YMCA c’était fondamentalement un Young Men Christian Association.
Après avoir rénové le Centre et l’aréna, pour la première fois de son histoire, le YMCA de Montréal, a ouvert son premier point de service dans un quartier francophone. C’est ainsi que le 18 avril 1980, avec une cérémonie d’inauguration, naissait officiellement, le YMCA Hochelaga-Maisonneuve.
Après 7 ans à la direction des maisons de transition situé au YMCA Centre-Ville, le 11 avril 1994, j’ai accepté de diriger le YMCA Hochelaga-Maisonneuve. J’ai démissionné en octobre 2004. Pendant 10 ans et 6 mois, j’ai eu le privilège de faire partie d’une équipe de gens compétents, dévoués, dédiés qui comprenaient les valeurs du YMCA et qui comme moi, en avaient fait leur leitmotiv.
Situé à l’ombre du stade, nous avons fait de la Régie des installations olympiques, un partenaire de choix pour réaliser une des activités de financement les plus originales qui soit. Le Défi de la tour de Montréal était une course dans le parc Maisonneuve avec une ligne d’arrivée dans la Salon Montréal. Il fallait gravir la tour du stade par les escaliers de secours pour espérer gagner mais surtout, et ce, dans l’esprit du YMCA de Montréal, se dépasser.
Comme autre activité de financement, quelques années plus tard, nous avions approché l’École nationale de l’humour. Chaque année, c’est nous qui présentions le tout premier spectacle de leurs finissants, d’abord au Mont St-Antoine, puis au Zest et au CEGEP Maisonneuve. Et oui… Ils nous ont fait rire avant vous.
Toujours à l’avant-garde, en 1995, nous avons travaillé avec Gaz Métro pour doter notre aréna de la première resurfaceuse fonctionnant au gaz naturel. Nous étions le premier YMCA au Canada à avoir un site web. À l’aréna comme au centre communautaire, nous avons offert des postes à plusieurs personnes qui n’avaient pratiquement aucune chance d’intégrer le marché du travail. Ce n’est pas ça qui allait nous empêcher de rafler des nombreux prix d’excellence pour la qualité de nos communications, la sécurité des lieux, la propreté de nos installations et l’impeccabilité de notre service à la clientèle.
En janvier 1998, lors la tempête de verglas, le centre a été transformé en refuge. Mine de rien, notre édifice était un des seuls dans le quartier à être accessible pour les personnes à mobilité réduite. Après ces évènements, la Sécurité publique nous avait inscrit dans ses plans d’urgence, entre autre, parce que notre piscine contenait des milliers de galons d’eau qui pouvaient être utiles en cas d’incendie.
Nous avons défendu bec et ongles le Programme d’accès équitable qui permet aux utilisateurs et aux utilisatrices de défrayer les coûts en fonction de leurs revenus. En mai 1995, nous avons dit oui avec empressement quand la Fédération des femmes du Québec nous avait demandé de faire la préparation physique des participantes pour la marche Du pain et des roses. Pendant des années, le partenariat que nous avions développé avec Les Canadiens de Montréal a permis à des centaines de jeunes d’assister gratuitement aux matches de leur équipe.
En collaboration avec le YMCA du Nicaragua, nous avons mis sur pied un programme d’échange entre les jeunes du quartier et ceux d’Acahualinca. Companero sin fronteras a permis à des jeunes qui n’avaient jamais quitté leur quartier de se retrouver à Managua, ce qui était pour eux, l’autre bout du monde. Plus enrichissant encore, ils avaient reçu dans leur famille des jeunes d’une autre culture, d’une autre ethnie et qui ne parlaient pas un mot de français. Companero sin fronteras était plus que des voyages. L’objectif était de développer le leadership des jeunes, leur esprit de solidarité et de transformer des mentalités.
Pour pouvoir communiquer avec nos partenaires du YMCA du Nicaragua, tous les vendredis après-midis, la majorité des employés suivaient ensemble, un cours d’espagnol. Au-delà de l’apprentissage et des rires, nul ne pouvait imaginer que ça allait être notre plus formidable activité de consolidation d’équipe.
C’est avec plusieurs membres de cette équipe que j’ai relevé le défi d’une vie, un projet qui était sur les tablettes depuis 30 ans et auquel plus personne n’osait toucher. En 1999, l’Alliance universelle des YMCA m’avait confié le mandat d’aller implanter le YMCA en Haïti, mon pays natal. Le YMCA de Montréal m’avait permis de monter la meilleure équipe pour m’accompagner. Mission accomplie.
Le YMCA d’Haïti a été inaugurée en mai 2002. Cette organisation basée sur le transfert de compétences, a été reconnue par le Huffington Post dans son Top 10 des organisations les plus efficaces après le tremblement de terre de 2010. Nos élèves, ces leaders à la tête du YMCA d’Haïti, nous avaient fait honneur. Ils avaient largement dépassé leurs maîtres. Tant mieux. C’était ça l’idée de départ. C’était avant tout, notre contribution au mieux-être des Haïtiennes et des Haïtiens.
Le YMCA Hochelaga-Maisonneuve n’a pas seulement été le centre de la communauté, il a transformé toutes celles et tous ceux qui ont traversé la porte du 4567 Hochelaga. Ils avaient vite compris que les cours d’anglais, de WordPerfect, de salsa, d’aquaforme, de Steps, de Slide, de TaeBo, les camps de jour, le hockey et toutes les autres activités physiques, n’étaient qu’un prétexte, un prétexte pour briser l’isolement social et créer des liens, développer son leadership et participer au changement, cultiver l’ouverture d’esprit et contribuer à l’harmonie sociale, trouver sa raison d’être et devenir citoyennes et citoyens à part entière. Oui. Un prétexte pour donner « plus de vie à la vie » dans un quartier qui en avait grandement besoin.
Diriger le YMCA Hochelaga-Maisonneuve, ce n’était pas une job. C’était pour moi, une participation active dans un mouvement de transformation sociale. Définir les actions et l’impact du YMCA Hochelaga-Maisonneuve fut un privilège certes, mais un privilège qui m’a aussi transformé. Heureux suis-je, d’avoir amené dans mes bagages de précieuses amitiés et d’avoir reçu en héritage, des valeurs indémodables.
P.S. Bell nous avait offert cette Carte à puce pour souligner le 20e anniversaire du YMCA Hochelaga-Maisonneuve. Seulement 1 200 copies avaient été émises. Cette carte est aujourd’hui, une pièce recherchée par des collectionneurs à travers le monde.
Merci de me remémorer tous ces souvenirs