En 2020, François Legault était un des rares Chefs d’État de la planète qui faisait semblant de croire que le racisme systémique n’existe pas. Ce qui est rassurant, c’est que pendant la gestion de la pandémie de Covid-19, le Premier ministre du Québec nous avait démontré qu’il était capable de changer d’idée. Il faut juste l’aider un p’tit peu. Rassurez-le. Commencez par lui dire qu’un Québécois ne peut pas être «raciste systémique» tout seul dans son Jacuzzi. Même en gang, il n’y arrivera pas. Dites-lui plutôt que le racisme systémique, c’est le racisme qui reste dans la culture de nos organisations quand les racistes ont réussi à en empoisonner les structures.

Au cours de la campagne électorale de 2017, Philippe Couillard avait promis de tenir une commission sur le racisme systémique. François Legault avait habilement déformé le message pour faire croire que son adversaire voulait faire passer les Québécoises et les Québécois pour des racistes. Or, aujourd’hui, c’est François Legault qui répète à tue-tête qu’il y a des racistes au Québec. C’est à n’y rien comprendre. Peut-être que le Premier ministre se dit que si on se débarrasse des racistes, ça va bien aller. Et bien non. C’est quand les racistes battent en retraite que ça recommence à mal aller.

Soyez rassurés. Aucune nation, aucune société, n’a encore échappé au racisme systémique. Si le Québec devait faire exception, il serait une société encore plus distincte que vous ne l’aviez imaginée. D’ailleurs, dans son bulletin du 4 juin 2020, l’Institut d’informations et de recherches socio-économiques avance que le racisme systémique existe bel et bien au Québec. De plus, en septembre 2019, la Commission Écoute, réconciliation et progrès présidée par le juge Jacques Viens, concluait que les Premières Nations du Québec sont victimes de racisme systémique. Il n’y a pas que ça, mais juste ça, c’est suffisant pour arrêter de niaiser, de se faire des accroires, de se conter des menteries et des peurs.

Mais, avant de lui parler de racisme systémique, dites à François Legault qu’il n’y a pas que le racisme qui puisse être systémique. La discrimination sous toutes ses formes, s’organise autour d’une série de politiques, de méthodes de travail, de façons de faire et d’attitudes qui sont intégrées dans la culture des organisations. Une fois orchestré, puis autorégulé, un ensemble d’obstacles visibles ou invisibles s’érigent pour réduire les opportunités d’avancement pour les femmes, les personnes judiciarisées ou d’autres personnes en fonction de leur handicap, de leur âge, de leurs attributs physiques, de leur appartenance à un groupe ethnique ou de leur orientation sexuelle. Justement!

Aux États-Unis, l’Article 125 du Uniform Code of Military Justice était la pièce maitresse pour l’exclusion et l’interdiction de servir dans l’armée pour les gays et lesbiennes. Cet article de loi disait que l’homosexualité relevait de la bestialité et que la sodomie, tout comme l’inceste et la pédophilie, était non-conforme aux valeurs de la prestigieuse institution. Cette politique a été mise en place et a été défendue corps et âme par des généraux homophobes dont Norman Schwarzkopf et Colin Powell.

Pour faire semblant de faire des progrès, plutôt que de régler le problème, sous la présidence de Bill Clinton, l’armée s’était engagée à ne pas demander l’orientation sexuelle des soldats. Cependant, elle ne garantissait pas le respect de leurs droits s’ils révélaient de leur plein gré qu’ils menaient une vie que l’institution considéraient comme une distraction immorale risquée et dangereuse pour les troupes. Don’t ask, don’t tell était une politique que revenait à dire qu’il était interdit à un soldat américain d’être homosexuel tout en prétendant être normal.

Le 20 septembre 2011, pour faire semblant d’être avant-gardiste, Barack Obama avait mis fin à la politique du Don’t ask, don’t tell. Mais vous savez que si une loi peut aider à modifier les comportements, elle ne peut en aucun cas effacer les préjugés. Le problème c’est que l’armée américaine et l’écosystème auquel elle appartient, sont restés gangrénés par les croyances des homophobes. You don’t believe me? Listen to this!

Le 20 septembre 2013, dans un document publié par le Center for American Progress, on apprend qu’avant 1993, les militaires qui étaient expulsés de l’armée pour cause d’homosexualité, avaient dans leur dossier une note peu honorable sur leur orientation sexuelle. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que tout le monde savait que cette mention nuirait à leur intégration sur le marché du travail, but no one in the system really dared to care.

Le Center for American Progress rapportait qu’en 2013, dans 29 États, il était tout a fait légal de refuser un emploi ou de congédier une personne en raison de son orientation sexuelle. Le 28 août 2017, on pouvait lire dans The Atlantic que dans 28 États, il n’était toujours pas illégal pour une entreprise de refuser l’embauche ou de congédier une personne pour cause d’orientation sexuelle. Le 8 octobre 2019, le USA Today révélait que 52% des personnes LGBTQ vivait dans un État où il était permis de leur refuser un emploi, une promotion, un programme de formation et tout le tralala qui permettent une ascension sociale. Hang on! There are more forgotten intent of causing damage in the system.

Si personne dans l’armée américaine n’avait prévu de versements de pension pour les conjoints survivants des militaires homosexuels, c’est parce que l’organisation est restée infectée par les influences des homophobes. C’est pour ça que des militaires et des vétérans se battent encore aujourd’hui pour obtenir des assurances médicales pour leurs conjoints, des frais de scolarité pour leurs enfants, des allocations de logement et des frais de déménagement. Tout ça, parce qu’avant de vider les lieux, les homophobes s’étaient assurés de barrer ces avantages sociaux à double tour en les réservant uniquement aux gens mariés avec une personne de sexe opposé.

Avant de lui parler de racisme systémique, dites à François Legault que «l’homosexisme systémique» est l’homophobie qui reste dans la culture de nos organisations, après que les homophobes en aient infectée la structure.

Don’t ask, don’t tell n’était rien de moins qu’une politique de confinement dans un placard légèrement plus aéré mais drôlement plus étouffant. Maintenant, si François Legault prend le temps de baisser la tête pour écouter le vacarme qui vient de l’étage du bas, il constatera que son plancher transparent est le plafond mobile de quelqu’un d’autre.

Le «plafond de verre» est l’expression parfaite de la limite extrême que les femmes sont incapables de franchir. Ça, c’est quand elles ne restent pas scotchées au sol ou quand elles ne vivent pas en déséquilibre sur un plancher flottant.

Dans un document publié en mai 2016 par le Comité consultatif femmes en développement de la main-d’œuvre, l’Économiste Ruth Rose avait écrit que pour le même emploi, en moyenne, les femmes sont moins payées que les hommes. Ça c’était avant d’ajouter que les emplois traditionnellement féminins continuaient à être sous-évalués et sous-rémunérés.

Avant Ruth Rose, en mars 2014, l’Institut de la statistique du Québec (INSQ) révélait que «les emplois typiquement féminins étaient moins bien rémunérés que ceux typiquement masculins parce que les compétences et le travail des femmes ont toujours été sous-estimés». L’INSQ avait appelé ça, «La  ségrégation professionnelle», une des formes les plus pernicieuses d’inégalité sur le marché du travail. Vous ne me croyez toujours pas? Check this out!

J’en veux pour preuve que c’est seulement en pleine pandémie de la Covid-19, qu’on s’était résigné à admettre que les Préposées aux bénéficiaires qui sont indispensables pour sauver des vies, étaient sous-payées. Rappelez-vous que dans les résidences privées, les préposées aux bénéficiaires, majoritairement des femmes, gagnaient 14$ l’heure. En avril 2020, François Legault a été forcé d’admettre que compte tenu de la lourdeur de leurs tâches, même à 17$ l’heure, elles seraient tout de même sous-payées.

Le Premier ministre avait juste oublié de vous dire qu’à la même période, le salaire de départ des Agents de sécurité, majoritairement des hommes, était de 18,04$. François Legault avait oublié de mentionner les employés d’entretien, là encore, majoritairement des hommes, étaient couverts par un décret gouvernemental qui leur accorde un salaire allant de 18,62$ à 19,55$ de l’heure. Ces employés ont droit à des congés de maladie et fériés et cotisent à un régime de retraite.

By the way… Saviez-vous qu’en France, les femmes représentent 39% des emplois de niveau cadre? D’accord! Alors vous savez aussi que plus elles gravissent les échelons, plus elles se font rares et plus grand est l’écart salarial. En 2014, une cadre française avait un revenu qui équivalait à 78,2% du revenu d’un cadre masculin. Puisque dans un système tout est solidement connecté, France info rappelait qu’au final, le revenu de retraite de cette cadre équivaudra à 69% de celui de son collègue masculin. En Suisse, l’écart salarial entre travailleuse et travailleurs est de 19%. À l’âge de la retraite cet écart augmente à 37%.

Avant de lui parler de racisme systémique, dites à François Legault que le «misogynie systémique» est la discrimination envers les femmes, la ségrégation qui reste dans la culture de nos organisations quand les misogynes en ont contaminée la structure.

Au-delà de leur condition de femmes, d’autres vivent une discrimination liée à leur appartenance à un groupe ethnique. C’est ça que je suis venu vous expliquer. Si j’ai pris ce grand détour, c’est pour ne pas me perdre en chemin. Il n’y a rien comme la ligne droite pour s’égarer dans les nuances du clair-obscur. Please follow me!

Le 9 décembre 2019, le Centre Canadien de politiques alternatives révélait qu’au Canada, une femme blanche gagnait 67% du salaire d’un homme blanc et une femme non-blanche gagnait 59% du salaire d’un homme blanc. Pire encore, les femmes arabes ne gagnaient que 50% du salaire de cet homme. Ça, c’est si elles parviennent à décrocher un emploi. Je vous explique. Buckle up… Ça va fesser dans l’dash!!!

Une démonstration sans équivoque a été faite en 2017 par Simon Brière, Bernard Fortin et Guy Lacroix. Les résultats de leurs travaux ont été publiés dans un document intitulé Discrimination à l’embauche des candidates d’origine maghrébine dans la région de la Capitale-Nationale.

Cette équipe avait créé et fait parvenir 100 curriculum vitae fictifs à 50 entreprises de la région de la Capitale-Nationale. En mars et avril 2014, chaque entreprise qui affichait un poste de secrétaire, commis-secrétaire, secrétaire administrative et secrétaire-réceptionniste, avait reçu deux candidatures. Le premier au nom de Valérie Tremblay et l’autre au nom de Samira Benounis. Outre le nom, les coordonnées personnelles et l’établissement scolaire où la candidate avait fait ses études de secrétariat, les CV étaient identiques en tout point.

Résultats, Valérie Tremblay avait reçu deux fois plus d’invitations à un entretien d’embauche que Samira Benounis. Parmi les hypothèses avancées pour expliquer ce constat, je retiens que les départements des ressources humaines seraient partis d’une perception sans fondement voulant que l’information contenue dans le CV d’une personne ayant un nom à consonance arabe, serait incomplète. Vous pouvez imaginer que si la candidature devait être retenue par défaut, la compensation serait versée en concordance.

Plus dramatique encore, d’autres expériences similaires menées ailleurs dans le monde, dont celle rapportée dans le volume 102-223 du Iowa Law Review, révèlent que lorsqu’une candidature n’avait pas été retenue, c’est souvent parce qu’elle avait été analysée en tenant compte d’une perception généralisée que les employés et les clients de l’entreprise seraient réfractaires à la présence de personnes issues de l’immigration. La décision serait donc basée sur la peur de l’autre, sans savoir qui aurait peur de l’autre et qu’est ce qui chez l’autre faisait réellement peur.

Maintenant, vous avez tout ce qu’il faut pour dire à François Legault que j’ai réalisé en même temps que vous que le «racisme organisationnel» est le racisme qui reste dans la culture de nos organisations après que les racistes aient fini d’en empester les structures. 

Même si François Legault ne vous le demande pas, dites-lui que nous venons de découvrir que le racisme devient organisationnel quand l’interprétation subjective des attitudes des clients influence les pratiques d’affaires. À ce moment-là, le personnel de l’organisation fait tout pour répondre à ce qu’il croit être les attentes de leur clientèle et ils finissent par ressembler à ce qu’ils croient que sont leurs clients.

C’est ce processus qui les amène à être, malgré eux, le moteur d’une organisation qu’ils rendent attrayant et accueillant pour les gens de qui, ils ont interprété les attitudes. Dès lors, la culture organisationnelle est infectée. La transmission s’enclenche. Le cercle se referme. La machine fonctionne rondement. Le confort est confirmé par l’indifférence. La culture de l’organisation est homologuée par le silence. Vous pouvez circuler. Il n’y a rien à voir, plus rien à changer. Tout va continuer à bien aller. La contamination communautaire peut commencer.

C’est bien ça! Vous avez pigé. Le racisme devient systémique quand il s’incruste dans une organisation et puisque toute organisation fait partie d’un réseau, cette forme de discrimination se propage d’un organe à l’autre et gangrène le système.

Maintenant, dites à François Legault que le «racisme systémique» est composé d’une série d’engrenages bien huilés par des perceptions, dont on ne connait pas le point de départ et qui devient difficile à stopper parce que les principaux concernés finissent par y pratiquer l’aveuglement volontaire pour assurer leur p’tit confort.

C’est tout ça qui me pousse à dire que le racisme systémique est un mécanisme généralement involontaire, qu’on s’efforce de rendre inconscient et qui ainsi, devient difficilement perceptible. C’est parce qu’il est basé sur des perceptions, qu’il est difficile de le voir. C’est pour tout ça qu’il est plus facile pour François Legault d’entendre le tapage de la bastringue des racistes que de constater le charivari des dégâts qu’ils laissent sur leur passage.

Heureusement, le Premier ministre du Québec est capable de changer d’idée. Il attend juste un peu d’aide pour arrêter de faire semblant que le racisme systémique n’existe pas. Je crois vous avoir donné tout ce qu’il faut pour le convaincre que le racisme systémique n’est pas un mythe.

Pour faire court et simple, dites au Premier ministre du Québec que quand les racistes quittent la structure d’une organisation, puisqu’ils avaient influencé les politiques et instrumentalisé les processus, ils laissent leurs empreintes dans les méthodes de travail. Leur doctrine s’entortille dans les discours et dans les pensées automatiques de ceux et celles qui font partie du réseau de cette organisation. C’est ainsi qu’ils réussissent à laisser derrière eux un système dont la culture sera pendant longtemps, empuantie par leurs préjugés.

N’oubliez surtout pas de dire à François Legault que, dans ce cas-là, le changement doit venir d’en haut. Quand on dirige un pays, une province, une entreprise, une organisation, on doit savoir que la première étape pour éradiquer toutes les formes de discrimination, pour enrayer les systèmes, c’est d’arrêter de se dire qu’on a toujours fait ça comme ça et qu’on n’a jamais eu de problèmes avec ça. Effectivement, il n’y aura jamais d’problèmes tant et aussi longtemps qu’on continuera, entre nous, à faire ça comme on a toujours fait ça parce que c’est comme ça que ça fait notre affaire.

Fait que… c’est ça qui est ça !