Le 17 janvier 2021, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a révélé que les 49 pays les plus riches avaient mis la main sur les premiers 39 millions de doses de vaccins qui étaient disponibles. De ce même lot, les pays pauvres en ont reçu 25. Oui, vous avez bien compris. Deux dizaines et cinq unités. J’ai beau tourné ça de tous bords, de tous cotés, quand je les additionne, ça me donne 25. À peine ce qu’il faut pour vacciner 3 familles. Mais, c’est surtout tout ce qu’il faut pour anéantir toutes opportunités pour les pays pauvres de retrouver leur place déjà peu enviable dans l’économie de marché.

L’OMS dit que personne ne sera en sécurité tant que le monde entier ne le sera pas. Pourtant quand on analyse le commerce des vaccins, on constate que les pays riches ont acheté des quantités astronomiques, privant les pays pauvres de toutes possibilités de s’approvisionner dans un délai raisonnable. C’est pour ça qu’en décembre 2020, le People’s Vaccine Alliance composé entre autres de Amnesty International et de Oxfam disait que les pays riches avaient acheté assez de doses pour vacciner l’ensemble de leur population au moins trois fois. Mais ça, c’était avant le Boxing Day.

Le 7 janvier 2021, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a annoncé que le laboratoire Pfizer allait fournir des millions de doses à son pays en échange de données médicales. La France, un pays de 67 millions d’habitants, a commandé de quoi vacciner 100 millions de personnes. Dans le journal Le Monde du 8 janvier 2021, on apprend que l’Union européenne a sécurisé l’achat de 2,3 milliards de doses. À ce compte-là, chaque Européen pourra recevoir 4,47 doses.

Les Américains ont mis la main sur 200 millions de doses du vaccin de Pfizer et autant de celui de Moderna. Ils ont pris une option d’achat pour un autre stock de 400 millions de doses du vaccin de Pfizer. Ils auront plus que ce qu’il ne faut pour vacciner leurs 328 millions d’habitants incluant les bébés naissants.

Si comme moi, vous habitez au Canada, vous êtes dans une classe à part. Nous faisons partie de la catégorie Extra Platine Plus qui ne compte qu’un seul membre. En janvier, notre Premier ministre, Justin Trudeau, a embarqué dans le grand carrousel et a avisé Moderna et Pfizer que notre pays était disposé à payer une prime pour devancer les livraisons. Notre gouvernement qui ne compte pas la dépense, s’est assuré de pouvoir nous offrir 5 doses. À ce compte-là, il pourra même vacciner nos morts. Et pourtant…

Peter S. Goodman écrivait le 25 janvier 2021 dans Le New-York Times que conséquence de la rareté crée par les pays riches, la Tanzanie, le Pérou et le Bangladesh devront attendre jusqu’en 2024 pour compléter leur programme de vaccination. Il a rappelé aux grands de ce monde que le partage équitable des vaccins est un investissement. Ce n’est pas de l’aide internationale. Au contraire, dit-il, si seuls les pays riches devaient avoir accès aux vaccins, l’économie mondiale perdrait 9 000 milliards de dollars d’ici la fin de l’année 2021. Les premiers à en payer le prix seraient le Canada, les États-Unis et la Grande bretagne.

Malgré tout, depuis la mise en vente des vaccins, les pays riche gèrent la pandémie comme s’il s’agissait d’une épidémie, comme si leurs frontières étaient hermétiques, comme s’ils n’avaient plus l’intention de faire du commerce international, encore moins d’inviter des étrangers à séjourner sur leur territoire ou de laisser leurs ressortissants aller prendre de l’air sous d’autres cieux.

Le 27 janvier, l’Union européenne (UE) a contesté les prétentions de Pascal Soroit. Le PDG de Astra Zaneca disait que la production des usines au Royaume-Uni était réservée aux Britanniques. L’UE a exigé qu’il fournissent illico, les doses commandées par les 27 pays de l’Union européenne. Mais, ça c’était après que les leaders européens qui se croient sortis tout droit de la cuisse de Jupiter, préviennent les fabricants de vaccins qu’elle pourrait imposer des restrictions à l’exportation des doses fabriquées sur leurs territoires.

Mais oui, ce sont les mêmes qui étaient près à s’entretuer pour des masques N-95, des gants et des blouses. Oui, je sais. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils se bouffent le nez à coup de décrets et d’injonctions, d’Executive orders et de sommations. Et oui, je ne vous le fais pas dire… Quand la faim les tenaille, les loups se mangent entre eux. Le constat est brutal.

Le capitalisme est redevenu sauvage au point d’être plus bestial qu’auparavant. Puisque les leçons entendues n’ont pas été apprises et que les expériences acquises n’ont pas été entendues, l’animal en a profité pour créer des baudets plus bêtes et des biquets plus cyniques qui prennent leurs vessies pour des lanternes. Devenu tellement féroce, il rend les moins farouches, plus aveugles et plus insensibles. Le postulat est plus grossier que vous ne l’auriez souhaité. Nos leaders sont devenus impitoyables, au point de se défendre avec des discours de perfides espérant nous convaincre de faire semblant d’être stupides. Maintenant, place aux bullshits de circonstance.

Sans dire que la vie de leurs concitoyens est plus importante que celle des gens des pays pauvres, les gouvernements des pays riches, prétendent qu’ils devront faire face à de potentiels imprévus, dont des défauts de fabrication, des pertes liées au transport et à la réfrigération. Au pire, disent-ils, après avoir empilé leurs stocks d’urgence, ils pourront revendre leurs excédents aux pays pauvres. Mais à quel prix, combien de temps après, combien de morts plus tard ?

En janvier 2021, l’Afrique avait enregistré 74 000 décès sur 3,3 millions de cas. L’Amérique du Sud et les Caraïbes comptaient 500 000 morts sur 16 millions de cas. En d’autres temps, on aurait envoyé des Coopérants pour apprendre à ceux pour qui les vivants ne comptent, à comptabiliser les morts et à additionner les cadavres. Puisque les temps sont difficiles, on m’a demandé d’échafauder une nouvelle couche de bullshits pour vous dédouaner la conscience.

Puisque le contexte offre un excellent prétexte, au nom de la bienveillance et avec un peu de charité bien ordonnée pour celui qui la fait, j’ai été mandaté pour vous faire croire que ces populations ont par bonheur, été épargnées par leur style de vie au grand air, la vitalité de leur jeunesse et l’habitude de composer avec de nombreuses épidémies. Je vous entends en déduire que si d’autres virus ne les ont pas tués, c’est qu’ils les ont rendus plus forts. Maudits chanceux! Et pour compléter la commande, je dois conclure mon baratin avec cet épilogue inévitable qui fait mouche à tout coup… Ils sont tellement résilients ce monde-là. On aurait tellement à apprendre d’eux. Voilà, ma job est faite.

Pour venir en aide aux pays pauvres, l’OMS a mis en place le Mécanisme pour un accès mondial aux vaccins contre la Covid-19 (COVAX). L’objectif est de fournir des doses qui permettraient de vacciner 20 % de la population des 92 pays les plus pauvres. Pourquoi 20% de la population, me dites-vous? Parce que, pour être efficace, tous les pays, quel que soit leur niveau de vie, devaient atteindre cet objectif dans la même période.

Pour bien saisir cette nuance, dites-vous qu’il a suffi d’une personne infectée à Wuhan pour mettre l’économie capitalisme à quatre pattes. Imaginez ce qui arrivera si un continent, un pays, un village, voire même, une famille, est exclue de la stratégie d’éradication de la Covid-19. Et pourtant… Les pays riches ont délibérément fait déraper le projet qui devait garantir un accès équitable aux vaccins.

Oui, le projet COVAX a bel et bien commandé des vaccins pour les pays pauvres. Mais, ils ne seront pas livrés avant avril 2021, juste le temps qu’il faut pour permettre aux bouffe-tout de se goinfrer, aux grand-mangeurs de bien se bâfrer, aux aloufas de s’empiffrer et aux nababs de se taper la cloche.

Pour contrer la puissance des mâchoires des safres boulimiques et l’appétit de vautour des gargantuas, l’Union africaine a acheté 270 millions de doses. S’il faut que je vous explique pourquoi cette commande ne sera pas livrée avant avril 2021, c’est que vous n’avez rien compris de ce que je suis venu dénoncer. Je perdrais mon temps si je vous disais que l’Agence de l’Union Africaine pour le contrôle et la prévention des maladies prévoit, que si la tendance se maintient, il faudra 3 ans pour vacciner 60% de la population du continent. Pendant ce temps…

La Grande Bretagne avait vacciné près de 140 000 personnes à sa première semaine de campagne. Les Américains prévoient un quasi-retour à la normale à la fin de l’été. Tout Israélien de 16 ans et plus sera servi avant le 31 mars. La France prétend pouvoir compléter la dernière phase de sa campagne au printemps. Justin Trudeau promet d’injecter 2 doses dans le bras canadien de tous ceux et celles qui le souhaitent d’ici le mois de septembre. Pendant ce temps…

Les pays pauvres essayent de s’organiser avec leurs 25 doses en se rappelant que leur monde sera encore malade quand le reste du monde sera guéri et que c’est par eux que viendront la recontamination et des variants de la maladie. Rebonjour la stigmatisation.

Vous vous dites que les pays riches ont, par avarice et avidité, transformé le tout en une stratégie de vaccination à géographie variable. Pas si vite. La gourmandise des pays riches qui vous semble improvisée, est dans le fond, bien comptée, très calculée, bien tricotée, trop serrée. Parce que, pendant ce temps…

Une enquête menée par le Public Health England disait, en juillet 2020, que les anticorps développés par les personnes qui avaient attrapé la Covid-19 commençaient à disparaitre au bout de 5 mois. Puis, le 12 janvier 2021, Tal Zaks, le Conseiller médical en chef de Moderna a annoncé au JP Morgan 39th Annual Health Conférence que la protection offerte par son vaccin ne devrait pas dépasser 12 mois. Au mieux, dit-il, il faudra un Booster-shot pour renforcer la protection immunitaire.

Et c’est maintenant que vous devez vous demander si les achats démesurés des pays riches qu’ils justifient par le besoin d’empiler des stocks d’urgence, ne leur permettent pas de mettre la grippe sur des vaccins de rappel même s’il faut en priver ceux qui sont dans l’urgence immédiate.

Et c’est maintenant que vous venez d’entendre les pays pauvres vous dire que puisqu’ils ont été incapables de commencer la lutte au virus en même temps que tout le monde, ils sont condamnés à être en arrière de la parade et qu’ils risquent de rester isolés du reste du monde pendant très longtemps.

Et c’est maintenant que vous venez de comprendre que ce n’est pas parce que l’OMS parle des gens du monde entier que les grands de ce monde considèrent tout le monde comme du monde.

Et c’est maintenant que vous venez d’apprendre que si vous vivez dans un pays pauvre, vous serez bientôt plus infréquentable que jamais.

Frédéric

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