Parce que la classe politique n’a pas respecté la Constitution haitienne, elle a fait de Jovenel Moïse un Président illégitime qui n’avait pas compris que son rôle devait se limiter à préparer le retour à la présidence de Michel Martelly, son prédécesseur.

Le texte qui suit est un extrait de « Ferme les yeux, ouvre la bouche, avale ». Ce mon deuxième livre de la série « Mythes, vérités et mensonges sur la démocratie », est paru en juillet 2017.

Laissez-moi 5 minutes pour vous raconter comment entre le départ du Président Michel Martelly et l’élection de Jovenel Moïse en novembre 2016, s’est jouée une des plus tristes bouffonnades dont seule sont capables les politiciens haïtiens.

En 2010, Michel Martelly est devenu Président illégitime d’Haïti parce qu’entre autres, il avait dénoncé les résultats du 1er tour. Malgré tout, complice de la mascarade, l’Organisation des États Américains (OEA), pour lui permettre de passer au second tour, lui avait soustrait 7 150 voix obtenues frauduleusement. Les déguiseurs de l’OEA ont ainsi confirmé que Michel Martelly était un tricheur.

En février 2016, Michel Martelly a complété son premier mandat à la présidence d’Haïti, sans avoir réussi à tenir des élections pour nommer son successeur. Heureusement, l’Article 149 de la Constitution de 1987 disait qu’en cas de vacances à la présidence, « pour quelque cause que ce soit », c’est le Président de la Cour de Cassation qui occuperait la fonction de Président de la République et il aurait 120 jours pour organiser des élections.

Tout allait bien, jusqu’à ce qu’on apprenne, ô surprise, que la Loi fondamentale avait été amendée en 2012 par le gouvernement de Michel Martelly. Désormais, l’Article 149 dit « qu’en cas de démission, de destitution ou en cas d’incapacité physique ou mentale permanente », c’est le Premier ministre avec l’appui de son Cabinet qui exercerait le pouvoir exécutif jusqu’à l’élection d’un nouveau Président.

Mais voilà que la nouvelle version de l’Article 149, trop restrictive, ne fait pas mention de la fin de mandat sans l’élection d’un nouveau Président. Heureusement, ceux qui ont amendé la Constitution avaient fait une légère petite erreur. Ils avaient oublié d’amender l’Article 284.2.

Dans sa version originale, mais aussi dans la version bâclée à la hâte et expédiée sans débats, cet article dit que « tout amendement à la Constitution ne peut entrer en vigueur qu’après l’installation du prochain Président élu ».

Donc, à la fin du mandat de Michel Martelly, c’était la version originale de la Constitution de 1987 qui avait force de loi. Pourquoi? Parce que l’Article 284.2 avait pour objectif d’empêcher qu’un Président n’amende la Constitution à son avantage.

Donc, il ne fait aucun doute dans votre esprit, ni dans le mien, qu’en 2016, c’était le Président de la Cour de cassation qui devait assurer l’intérim. Mais, fidèles à leurs mauvaises-moeurs et puisqu’ils doivent prouver l’inefficacité de leur inutilité, les parlementaires haïtiens, défiant toute logique constitutionnelle, ont scellé avec Michel Martelly, à 24 heures de son départ, une cocasse faribole qui a mené à l’affectation, en février 2016, de Jocelerme Privert, Président du Sénat, au poste de Président intérimaire de la République pour 120 jours.

Non seulement les petits arrangements qui avaient porté Jocelerme Privert au pouvoir étaient inconstitutionnels, il ne fait aucun doute que ce président était devenu doublement illégitime à l’expiration de son mandat de 120 jours.

En septembre 2016, quatre mois après l’expiration de son mandat, Jocelerme Privert a prononcé un discours à la 71e Assemblée générale de l’ONU à titre de Président d’Haïti. Ce jour-là, Jocelerme Privert était un usurpateur de pouvoir et c’est en imposteur qu’il s’était présenté à la tribune.

Le problème ne s’arrête pas là. Au contraire, il ne fait que commencer. Le 7 février 2017, Jovenel Moise a remporté les élections organisées par Jocelerme Privert. Or, si celui qui a organisé les élections était illégitime, son scrutin l’était tout autant. Cela dit, et c’est ça le drame… Quand Jovenel Moise a prêté serment, il est allé s’inscrire dans la lignée des Présidents illégitimes de son pays.

La seule et unique option souhaitable pour casser ce bastringue serait la destitution du Président. Mais voilà, la Constitution d’Haïti, lacuneuse et inconséquente, ne prévoit pas de mécanismes démocratiques et pacifiques pour détrôner le Chef de l’État.

Puisque toute autre option, comme un coup d’état, donnerait exactement le même résultat, les Haïtiennes et les Haïtiens sont condamnés à accepter que la bouffonnade de la classe politique de leur pays leur a servi à pérenniser, à vie, l’illégitimité à la présidence d’Haïti.

Si je vous ai volé 5 minutes, c’est pour vous demander de rappeler aux parlementaires haïtiens qui ont bricolé cette aberrante babiole, qu’ils devraient savoir, les pauvres malheureux, que la dictature ne se mesure pas uniquement par la tyrannie, le despotisme et le caporalisme.

Pernicieuse, la dictature commence à s’installer quand les faux-cons inventent des faux-semblants et baratinent des faux-fuyants pour coïter avec des faux-culs. Elle s’enracine quand, avec la complicité d’une classe politique corruptible, malléable et docile, un Bandit légal se permet de brocarder et brocanter la Loi fondamentale.

Si je vous ai raconté cet épisode de l’histoire d’Haïti, c’est pour vous rappeler que malgré ses nombreux défauts, la Constitution de 1987 contenait des dispositions pour empêcher la « poutinisation » du pouvoir. En fait, l’Article 284.2 visait, entre autres, à contrer tout Président qui serait tenté de donner le pouvoir à son poulain qui, à son tour, organiserait le retour de son bienfaiteur.

Si je vous ai raconté les dessous de cette couillonnade, c’est pour prévenir les politicailleurs haïtiens qui devraient, sauf erreur, travailler à débarrasser Haïti de l’indécollable étiquette de pays le plus pauvre de l’hémisphère nord que le bonheur et la valorisation ne se trouvent pas uniquement dans l’absurdité de leur loufoquerie.

Citation suggérée : Frédéric Boisrond, Ferme les yeux, ouvre la bouche, avale, (Page 41 à 43), Solutions Feed-Back Actif, Laval, Numéro ISBN : 978-2-9814923-2-6, Dépôt légal – Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Bibliothèque nationale du Canada, Canada, juillet 2017.

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