L’assassinat du Président Jovenel Moïse en juillet 2021, a ramené une fois de plus, l’interminable questionnement sur l’incapacité de la classe politique haïtienne à réussir l’implantation de la démocratie. Il faut tout de même admettre, qu’au-delà de son incompétence, elle doit composer avec un modèle de gouvernance imposé par les maîtres de la région. Elle doit apprendre à comprendre les règles incontournable du canevas imposé. Ce canevas s’appelle la démocratie américaine.

Le texte qui suit est un extrait de « Au nom du peuple et du fric et du sain d’esprit ». Ce premier livre de la série « Mythes, vérités et mensonges sur la démocratie », est paru en juin 2015.

Le Rapport de 2008 de la Commission pour la démarginalisation des pauvres par le droit dit que les Américains considèrent que l’économie de marché est en soi la plus concrète forme d’expression de la démocratie. En fait, il faudrait comprendre que la démocratie est le prétexte pour contrôler et renforcer la capacité des pays sous-développés pour une participation inéquitable au commercial international.

Aux États-Unis, l’implantation de la démocratie est un mandat confié à l’United State Agency for International Aid (USAID). Dès sa création, en 1961, la USAID était le champion toute catégorie de la lutte au communisme particulièrement en Amérique latine. En 2014, la USAID a reconnu que ses programmes d’aide visaient à promouvoir et à faciliter l’implantation de la démocratie américaine et que son rôle est de supporter la mise en place de sociétés démocratiques afin de garantir la paix sociale et le développement économique ce qui est essentiel à l’ouverture des marchés et au bon fonctionnement du capitalisme. Ça ne peut être plus clair!

Mais quelle est la recette d’une démocratie américaine bien implantée?

D’abord, l’USAID et d’autres agences interviennent pour assurer l’élection de gouvernements amis qui leur garantira la liberté d’en­treprendre, l’accès aux ressources naturelles et à une main-d’œuvre dépendante, docile et bon marché. Ces élus donneront aux Américains le contrôle de la réglementation bancaire et des droits de douanes ce qui garantira un environnement favorable pour les échanges commerciaux… inéquitables.

Pour que la sauce prenne, les États-Unis interdiront sur leur marché, des produits fabriqués ou cultivés dans des pays en développement. Sinon, ils leur imposeront des barrières tarifaires. Comme plat de résistance, Joseph Stiglitz, professeur d’économie et finance à l’Université Columbia, a écrit dans Challenging the Washington Consensus, que le Gouvernement américain subventionnera la production nationale dont le textile et les produits agricoles, ce qui rendra les produits importés non concurrentiels.

Autre pièce maîtresse de la démocratie américaine, pour conforter les exploités dans leur misère et maintenir le bassin de main-d’œuvre à rabais, les États-Unis financent des centaines d’ONG, majoritairement confes­sionnelles. Pour tuer l’économie nationale et mettre ce qui en reste en dépendance, les ONG, avec leurs missions sans fin, convertissent une partie de la population en sinistrés permanents. Puisqu’elles n’achètent pas de productions locales, elles offrent des produits importés, ce qui permet de garder 80 % de l’aide aux États-Unis. La charité bien ordonnée commence par soi!

S’appuyant sur le noble prétexte de la protection des pauvres et des opprimés, les ONG confessionnelles trouvent dans les pays en développe­ment un terrain fertile pour gaver les meurt-de-faim avec le message du Christ, de Jehovah et de toutes les autres divinités qui promettent la vie éternelle aux résignés et la résolution de leurs problèmes par un miracle.

Pour Vision mondiale, les Écritures indiquent que les crises huma­nitaires peuvent mener au partage de l’Évangile et à l’expansion de l’Église. Crisis Response International conditionne ses services pour qu’ils servent d’abord à reconstruire le Royaume de Dieu. Secours Catholique enracine son action dans l’Évangile et dans l’enseigne­ment social de l’Église. Développement et Paix est une organisation catholique qui fait des interventions inspirées des valeurs de l’Évan­gile. En Haïti, après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, Louis Farrakhan, le dirigeant de la Nation of Islam est allé faire la morale aux Haïtiens et leur a promis 3 usines de traitement des eaux.

Avec leurs programmes de microcrédit, de microfinance, de microboutique et de microgestion, les ONG ne génèrent que du micro­développement et de la microcroissance. Elles n’ont, jusqu’ici, réussi à sortir aucun pays de la pauvreté. Pour mériter les dons, les subven­tions et l’aval de leurs commanditaires, elles inventent de toutes pièces des œuvres rédemptrices qui contribuent à l’expansion de l’économie informelle et à organiser le chaos. Dans leurs téléobjectifs, le fatras et le galimatias deviennent séduisants et l’agonie d’un enfant efflanqué, affamé et assoiffé paraît hautement sympathique.

Pour donner une apparence de dignité aux pauvres, les ONG orches­treront un savant discours pour confondre résilience et résignation. La résilience est la capacité d’une communauté ou d’un individu à comprendre sa situation, à se relever, se réinventer et à faire des projets d’avenir malgré l’adversité. Les actions des ONG serviront à cacher que dans les faits, leurs projets tuent la résilience. Ils déresponsabilisent les citoyens, anéantissent leur capacité de revendiquer et la possibilité de bouleverser le désordre établi.

En Haïti, après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, American Refugee Committee, Catholic Relief Services, Mercy Corps et Handicap international ont initié des projets Cash for work. Véritable farce, les travailleurs haïtiens ont reçu 5 $ US par jour avec pour objectif de faire circuler de l’argent en vue de dynamiser l’économie. D’autres ONG ont mis en place plus de 150 projets de type Food for work. Pire encore, ces programmes versaient l’équivalent de 5 $ US en nourriture importée à plus de 80 000 Haïtiens. Voilà une reprise sans aménagement de la combine irrespectueuse, honteuse et dégradante qu’utilisaient les colons pour entretenir leurs esclaves.

Anne Duhamel du Groupe de recherche sur l’intégration continentale (UQAM) a dit que l’approche américaine est centrée sur la promotion d’une démocratie procédurale, un modèle qui privilégie la conversion au libre marché et dans lequel les droits civils et politiques sont secondaires.

Pour que la démocratie américaine, cette façade, ce système pour traîne-misère, soit bien implantée, les Américains peuvent compter sur l’obéissance, la malléabilité, la servilité et la corruptibilité des élus qui n’hésitent pas à quémander et mendigoter de quoi se gargariser. Exaucés pour services rendus, bénis soient-ils d’obtenir du travail pour le bon peuple. Gloire et louanges pour ces bienfaiteurs qui permettent aux miséreux et aux asphyxiés, d’obtenir des dizaines de milliers de sous-emplois dans des Ateliers de misère.

Devant tant d’abondance, peuple, tressaille d’espérance, dis ta reconnaissance pour ces 5 $/jour, plus que ce qu’il te faut pour acheter du riz importé de Miami et ainsi retourner à l’Oncle Sam la balance de l’aide qu’il t’a offerte pour ta subsistance et celle de ta descendance.

Citation suggérée : Frédéric Boisrond, Au nom du peuple et du fric et du sain d’esprit, (Page 71 et 74), Solutions Feed-Back Actif, Laval, Numéro ISBN : 978-2-9814923-0-2, Dépôt légal – Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Canada (1182415), Canada, juin 2015.

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