Vous savez surement que le 1er juillet 2022 marquait le 155e anniversaire de l’Assemblée nationale du Québec. Mais oui. Personne ne vous a dit que depuis sa création en 1867, les élus ont confirmé la nomination de 44 hommes à la présidence de cette institution. Et moi je viens vous rappeler que Mme Louise Harel reste jusqu’à ce jour, la seule et unique femme à avoir accédé à cette prestigieuse fonction. À voir votre réaction, je sais maintenant que je ne suis plus le seul à trouver que ça n’a pas d’allure.

Parce que suis convaincu qu’il faut, à nouveau, faire exploser ce plafond de verre, le 8 mai 2022, j’avais transmis une lettre aux chefs des principaux partis en lice aux élections d’octobre 2022 pour les inviter à inscrire dans leurs promesses électorales, la nomination d’une femme à la plus haute fonction de notre démocratie parlementaire. À l’exception de Sophie Lemieux, Adjointe au Parti québécois, personne n’avait pris le temps me transmettre un accusé réception.

Nos leaders ont raté une opportunité, celle d’apprendre que pour le 155e anniversaire de cette institution, je les invitais à faire front commun pour corriger l’histoire. Je leur demandais de confier la gestion des délibérations et l’arbitrage des débats, à une élue. Ainsi, ils auraient confirmé, qu’à leurs yeux, une femme est capable de diriger et d’administrer l’Assemblée nationale et de représenter l’institution sur la scène internationale.

Dans cette lettre, j’invitais les chefs de parti à réaliser que l’élection d’une deuxième femme à cette fonction, confirmerait qu’il n’y a pas de limites à la participation pleine et entière des femmes dans les affaires de la cité. C’est une autre façon de rappeler aux filles, nos leaders de demain, que leur engagement politique est essentiel, attendu et sans entraves. C’est leur certifier que leur contribution est indispensable pour nous permettre de surmonter les grands défis auxquels notre société est confrontée. Il n’y a pas de démocratie représentative sans elles.

Il est vrai que la prochaine présidente de l’Assemblée nationale sera élue via un scrutin secret. Mais si tous les partis acceptent de désigner ou d’appuyer la candidature d’une femme, nos 125 représentantes et représentants n’auront qu’à choisir la plus compétente d’entre elles. Il me semble que Mme Harel a démontré que c’est pas une job de gars.

Puisqu’il faut le rappeler, au-delà des compétences généralement reconnues, seulement deux conditions sont requises pour être présidente de l’Assemblée nationale : la neutralité dans l’exercice de la fonction et la légitimité qui est d’office confirmée par le droit de siéger. C’est pas plus une job de bras.

Le Conseil du statut de la femme dit que la culture des partis et des institutions est chargée d’obstacles qui nuisent à l’implication des femmes en politique. Même si je le pense, je n’ai pas dit aux chefs de partis que la sous-représentation des femmes à la présidence de l’Assemblée nationale relève d’une misogynie systémique guidée par la culture de retranchement d’un des derniers bastions supra-masculins du Québec. J’ai eu de la misère, mais je me suis retenu. Pour ne pas éveiller les susceptibilités et faire déraper le débat, j’ai pilé sur mon honnêteté intellectuelle et je me suis exprimé dans des mots qui soulèvent rarement les passions. J’ai tout simplement dit… Ça n’a pas de maudit bon sens. J’ai quand même ajouté 3 points d’exclamation à la fin.

Au fond, plus j’y pense, plus je me dis que Mme Anglade, M. Legault, M. Nadeau-Dubois, M. St-Pierre Plamondon et M. Duhaime n’étaient pas obligés de ne répondre. C’est plate, mais c’est pas grave. C’est pas cool, mais je n’ai pas angoissé pour autant. J’ai fait ma job. Je leur ai démontré que la discrimination faite aux femmes depuis 155 ans dans ce haut lieu de pouvoir est flagrante et outrageusement indécente.

C’est à vous qu’ils devaient confirmer qu’ils avaient compris qu’il n’y a pas de limites à l’expression de la citoyenneté des Québécoises. Ils devaient vous démontrer que la plus haute et la plus ancienne institution de notre démocratie représentative ne peut et ne doit en aucun temps, échapper à ce principe.

C’est à eux de nous confirmer qu’ils sont capables de regarder vers le haut, qu’ils comprennent que quand ça commence en haut, ça dégringole vite vers le bas. Plus les plafonds d’en haut sont bas, plus y aura de femmes scotchées sur le plancher d’en dessous.

C’est à nous de nous dire qu’on ne pourra pas passer un autre 155 ans à faire semblant de trouver confortable de faire semblant de ne pas voir le plafond du blockhaus, juste parce qu’il est en verre… en verre trempé.