Le 2 août 2023, lors d’une causette avec Vélina Élysée Charlier de Noupapdomi, elle m’a dit que pendant des années, nous avons assisté à un complot de la mafia, un complot des corrompus, un complot pour détruire la justice, un complot pour faire de la politique… un conglomérat de criminels. Puis elle a ajouté « aujourd’hui, il faut en Haïti un complot de gens de bien ».

Cette courte phrase est devenue une idée-fixe dans la tête du sociologue que je suis. Comme si elle devait cacher le déclencheur de la transformation sociale tant souhaitée, tant recherchée, je me suis mis à chercher ces gens de bien capables et désireux de participer à cette conspiration pour le bien commun. Vélina a raison. Aucune société n’a articulé le changement sans que les gens de bien ne sortent de leur silence et de leur immobilisme. C’est à se demander si ce n’est pas vraiment ça le véritable problème d’Haïti.

Si je n’ai pas encore trouvé ces femmes et ces hommes de bien, sachant qu’il existe des gens de conviction, je souhaite que ces propos que je partage avec vous, arrivent à leurs oreilles et les incitent à sortir de l’ombre, du confort que leur procure leur indifférence. Ce que je souhaite par-dessus tout, c’est que ces gens de bien me fassent mentir.

Entre le 4 novembre 2022 et le 21 septembre 2023, le gouvernement du Canada a émis 7 communiqués ayant pour titre Le Canada impose des sanctions contre des membres de l’élite haïtienne. Affaires mondiales écrivait dans tous ses communiqués que les personnes concernées avaient « participé à des violations flagrantes et systématiques des droits de la personne en Haïti et se sont livrées à des actes qui menacent la paix, la sécurité et la stabilité de ce pays ». Mais, à tout coup, ces personnes accusées par le Canada d’être imputables de violences indescriptibles à l’encontre de la population, notamment des violences sexuelles généralisées en Haïti, étaient présentées comme faisant partie de l’élite.

Le 4 novembre 2022, le gouvernement du Canada avait annoncé des sanctions contre l’ancien président du Sénat haïtien, Joseph Lambert et l’un de ses prédécesseurs à ce poste, Youri Latortue. La ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly, avait alors affirmé que, Ottawa avait visé ces deux hommes « pour briser le lien entre l’élite politique et les gangs armés ». C’était exactement le même discours lorsque l’ancien Président d’Haïti Michel Martelly, trois anciens Premiers ministres Jean-Henry Céant, Jocelerme Privert et Laurent Salvador Lamothe, ainsi que les anciens députés Prophane Victor et Arnel Bélizaire, les ex-sénateurs Ronny Célestin et Gracia Delva avaient été sanctionnés.

Remarquez qu’aucune personne de bien n’est montée au créneau pour faire valoir, que fort de l’héritage qu’ils ont légué à la nation, ces individus faisaient partie d’une quelconque élite politique. Outre deux ou trois individus directement concernés, personne ne s’est opposée au classement du gouvernement du Canada. J’en déduis qu’aucun politicien en Haïti ne s’était perçu comme assez de bien pour se sentir offensé d’être rangé dans la smalah de Michel Martelly et de son troupeau. Le silence de tous les politiciens d’Haïti devant cet opprobre est une réponse flagrante et sans équivoque pour toutes celles et ceux qui se demandent encore s’il y a des politiciens qui réfléchissent, des politiciens qui travaillent ensemble pour proposer et articuler des solutions structurantes pour faire avancer leur nation. La réponse est claire et nette. L’élite politique haïtienne n’existe que dans les fantasmes du gouvernement canadien.

Le 5 décembre 2022, pour confirmer des sanctions contre Reynold Deeb, Sherif Abdallah et Gilbert Bigio, des riches hommes d’affaires, on pouvait lire dans un communiqué d’Affaires mondiales Canada que « le Canada a des raisons de croire que ces personnes utilisent leur statut de membres très en vue de l’élite économique en Haïti pour protéger et permettre les activités illégales de gangs criminels armés, notamment par le blanchiment d’argent et d’autres actes de corruption ». Une fois de plus, je vous laisse juger de la contribution de ces individus dans le travail décent et la création de la richesse dans leur pays, une condition minimale pour faire partie d’une élite économique. Je ne veux pas influencer votre analyse, mais je ne serais pas étonné si vous arriviez à la conclusion que l’élite économique haïtienne est un trompe-l’œil bien alimenté par le tape-à-l’œil des m’as-tu-vu.

Puisque vous savez que des milliers de personnes travaillent encore à 2 piastres par jour et que la moitié de la population crève la dalle, puisque personne du milieu des affaires n’a remis en question la déclaration du gouvernement du Canada, personne ne pourra vous contredire si vous affirmez qu’il n’y a pas en Haïti, des gens d’affaires soucieux de créer de la richesse, d’élever le niveau de vie de la classe ouvrière afin qu’elle soit plus productive, qu’elle augmente la consommation et ce de fait, accélère le développement d’une économie nationale.

Lors d’un point de presse le 24 mars 2023, Justin Trudeau a ratissé plus large. Il avait déclaré : « Nous devons reconnaître qu’une partie de l’instabilité, de l’insécurité qui se passe en Haïti, c’est à cause des élites haïtiennes qui depuis trop longtemps, profitent de la misère du peuple haïtien, jouent pour leurs intérêts personnels à la politique haïtienne ». Le Premier ministre du Canada avait parlé d’intérêts personnels. J’aimerais le contredire, mais je ne peux pas. Je sais qu’il prétend défendre les intérêts canadiens, comme Joe Biden défend les intérêts américains. Quand Luis Abinader vous casse les castagnettes, c’est parce qu’il dit défendre les intérêts dominicains. Puisque je n’ai jamais entendu personne faire l’inventaire des intérêts haïtiens, encore moins prétendre en défendre un ou deux, j’en conclus que dans ce pays où la moitié de la population meurt de faim, où 30% des femmes âgées de 15 à 30 ans ont été victimes d’abus ou de violences sexuelles, personne, absolument personne, n’a d’intérêts autres que son petit nombril.

Je me dis que s’il existait une élite haïtienne, des gens dignes de faire partie de ce groupe sélect, elle serait offusquée de se faire rabaisser au niveau des personnes sanctionnées par le Canada et s’en dissocierait. Je suis en droit de croire que s’il existait une élite haïtienne, une vraie de vrai, elle serait sortie de son silence assourdissant pour sonner la charge contre le régime oppressif qui gère son pays avec l’aide des gangs armés. Je suis en droit de me dire que s’il n’en est rien, c’est parce qu’il n’y a pas suffisamment de gens de bien pour constituer une élite haïtienne. Je me demande même s’il en a déjà existé une.

Pour Vilfredo Pareto, les êtres humains ne naissent pas égaux. Ils sont classés sur une échelle en fonction de leur supériorité physique, morale et intellectuelle. Il croit que toute société est composée d’une minorité de personnes qui sont plus douées que les autres, une minorité qui leur est supérieure. C’est cette crème, favorisée par l’hérédité et la richesse héritée, qui forme l’élite. Quoi qu’il en soit, pour Vilfredo Pareto, l’élite est composée d’individus bien-nés et favorisés par la nature.

Si vous croyez à la théorie de Vilfredo Pareto, vous acceptez de croire que l’élite serait majoritairement composée d’hommes blancs riches et instruits mesurant au moins 5 pieds 8, sans handicap physique ou intellectuel. Heureusement pour vous qui aspirez à faire partie de l’élite, Charles Wright Mills offre une autre façon de concevoir les choses qui vous permettra de croire que vous pouvez, vous aussi, faire partie de la crème de la crème.

Le sociologue Charles Wright Mills est celui qui a développé la notion de « Social imagination ». Il dit qu’on ne peut pas comprendre le parcours d’un individu sans connaitre l’histoire de la société dans laquelle il évolue. On ne peut pas comprendre l’histoire d’une société sans connaitre les individus qui en composent le tissu social. Pour Charles Wright Mills , il y a un lien entre les défis personnels et les enjeux de société. Dans L’élite au pouvoir, il a écrit qu’une élite est l’ensemble des cercles politiques, économiques et militaires qui, dans un série complexe d’interactions entrecroisées, partagent l’ensemble des décisions d’importance pour le mieux-être d’une nation. Contrairement à Vilfredo Pareto, pour Mills, l’élite ne se résume pas à des individus.

Si vous acceptez l’approche de Charles Wright Mills, vous croyez qu’une élite est la somme des interactions plus informelles que formelles entre des gens préoccupés par le bien commun et déterminés à influencer positivement les orientations de leur nation. S’il avait fait la conversation avec Vélina, Charles Wright Mills lui aurait résumé sa théorie en lui présentant l’élite comme un regroupement informel de gens de bien aptes à mener un complot pour le bien commun.

Si vous acceptez le raisonnement de Charles Wright Mills, vous admettrez que vous ne pouvez pas être une élite en gueulant tout seul sur Facebook, TikTok et Instagram. Je préfère vous dire que si on a déjà tenté de vous faire croire que vous appartenez à l’élite pensante, à l’élite sportive… sachez que ça ne veut rien dire. C’est une façon de vous faire croire que vous êtes « The Master of your Domain ». Rien de plus. Au mieux, on tente de vous dire que vous faites partie des gens qui inspirent les autres à se dépasser. Ça, c’est si vous n’êtes pas en train de vous faire niaiser.

Vilfredo Pareto veut vous faire croire que si vous êtes capable de vous payer un siège dans la catégorie Élite sur un vol de Sunwing avec votre carte American Express Platinum Elite pour aller dans un hôtel 3 Étoiles à Varadero, vous faites partie de l’élite. Moi, je vous dis que vous n’êtes pas plus avancé que mon voisin qui s’est acheté le siège d’auto pour enfant Harmonie Elite à 59,99 $ chez Canadian Tire. Sunwing vous a fait miroiter une illusion. Vous avez acheté une rêverie.

Charles Wright Mills veut vous faire croire que c’est pas parce que vous vous êtes procuré un matelas gonflable Coleman double hauteur SupportRest Elite avec PillowStop chez Walmart que vous faites partie de l’élite. Même si le dessus pelucheux de votre matelas crée une surface de sommeil de style velours pour plus de confort, même quand vous le recouvrez avez votre duvet Royal Elite d’oie Blanche de Hongrie, ça reste un matelas gonflable. On vous a proposé une rêverie, vous avez acheté un fantasme.

Moi, je veux vous faire croire qu’une élite est un ensemble sociologique aux contours flous et ambigus ayant pour fonction de surveiller pour analyser, d’argumenter pour démêler, d’expliquer pour articuler, de discuter pour proposer, de vérifier pour défier, de surveiller pour effaroucher ou galvaniser celles et ceux qui sont mandatés pour veiller au mieux-être collectif. C’est ça le déterminant et la dominante du complot que réclame Vélina.

Si vous m’avez suivi jusque-là, vous avez compris que Pareto veut vous faire croire que des individus naissent et meurent avec leur statut et privilèges d’élite. Mills veut que vous sachiez que vous pouvez choisir de faire partie de l’un des cercles qui compose l’élite. Et moi je vous dis qu’on ne naît pas élite, on ne choisit pas de le devenir. Ce sont les autres qui déterminent et décident de vous classer dans ce groupe d’individus qu’ils perçoivent comme faisant partie de l’élite. C’est à vous de faire durer cette appréciation qui d’office, est éphémère. Cependant, avant de vous enfler la tête, rappelez-vous que contrairement à ce que disait Vilfredo Pareto, ça ne fait ni du groupe, encore moins de vous, des êtres supérieurs aux autres. Ces autres ont des attentes spécifiques liées à la fonction sociale de l’élite, tout comme vous avez des attentes envers d’autres groupes sociaux auxquels vous n’appartenez pas.

Mais, une élite en soi, ne suffit pas. Il faut qu’elle se renouvelle. Le sociologue français Michel Crozier qui, en 1970 était le premier à parler de « société bloquée », juge que l’immobilisme que connaît son pays, est le résultat de l’incapacité de l’élite à préparer, à décider, à négocier et à proposer des changements. Le travail de préparation, de discussion et de présentation des perspectives d’avenir reste à faire.

Parlant de sa France, Michel Crozier disait que l’élite ne sait pas écouter parce qu’elle a été formée à tout savoir et donc, à ne pas considérer les avis des autres. Et moi, je vous dis que dans ce monde en perpétuel changement, en innovation permanente et rapide, si vous ne prenez pas en compte les opinions des autres, vous ne pouvez pas apprendre. Si vous n’apprenez pas, vous ne pouvez pas comprendre. Si vous n’avez rien compris, en un rien de temps, plus personne ne voudra vous entendre.

Michel Crozier avait ajouté que l’élite française ne sait pas délibérer. Elle est toujours prête à apporter des solutions, mais qui ne répondent pas aux vraies questions que se posent les Françaises et les Français. C’est aussi ça le problème d’Haïti, l’infantilisation des masses populaires. Si des gens apportent des solutions sans questionner les Haïtiennes et les Haïtiens sur leurs besoins réels, c’est parce qu’ils les considèrent comme trop puérils pour énoncer leurs propres perspectives d’avenir. Ces gens ne réalisent même pas qu’ils mettent toute une population en curatelle technique.

Charles Wright Mills, Michel Crozier et Vilfredo Pareto sont au moins d’accord sur une chose. Une personne qui fait partie de l’élite, loin d’être un vil citoyen, est parmi les meilleurs dans son domaine. C’est vrai. Je suis d’accord. Mais, être le meilleur dans quoi que ce soit, ne suffit pas, ça ne suffira jamais.

Vous ferez partie de l’élite quand les autres croiront que vous faites partie des gens de bien, des gens de conviction qui méritent leur respect pour leur contribution au développement de leur communauté, de leur ville, de leur nation… de notre monde. Être le meilleur ne suffit certainement pas. Il faut contribuer.

Pour faire partie de l’élite, vous devez être capable de mettre à profit vos atouts afin de devenir et d’accepter d’être reconnu comme un acteur plutôt qu’un spectateur, un altruiste déterminé à provoquer le changement ayant une intention arrêtée de mobiliser les autres. Pour faire partie de l’élite, il faut naturellement accepter d’être un idéateur conscient de son rôle dans la transformation sociale.

Quand vous ferez partie de l’élite, vous appartiendrez à un groupe informel de notables qui occupent une place éminente dans votre société. Comme les autres personnes de ce groupe, vous aurez un statut enviable parce que vous serez perçu comme un modèle inspirant. Vous serez valorisé pour vos qualités. Ce sont ces qualités qui vous confèreront votre prestige. Ce prestige, c’est le regard admiratif que les autres porteront d’abord sur vos accomplissements puis, sur vous par ricochet.

C’est ce prestige qui vous distinguera de la majorité. C’est cette majorité qui vous récompensera, qui vous offrira la reconnaissance. C’est par cette reconnaissance que vous vous sentirez valorisé. Plus vous serez valorisé, plus grand sera votre notoriété.

Votre notoriété, c’est ce qui fera que votre opinion sera sollicitée, attendue et respectée. Cette notoriété sera construite d’abord sur votre sagesse, vos connaissances, vos réalisations, vos expériences, vos compétences, mais d’abord sur votre droiture.

Membre de l’élite, vous serez plus reconnu que connu, vous serez admiré pour votre parcours remarquable. Ce qui prime, ce sont vos valeurs et votre tenue exemplaire. Votre niveau d’éducation est secondaire. Vous serez un modèle de citoyenneté responsable. C’est votre bonne conduite qui est la qualité primordiale. C’est votre conduite qui fera de vous une personne distinguée.

Justin Trudeau et Mélanie Joly ont raison lorsqu’ils avancent que des gens d’affaires et des politiciens tiennent Haïti en otage et sont responsables du climat de terreur, de la mise à sac du pays. Les individus dont ils parlent, dont la grande majorité de ceux qui ont été sanctionnés par leur gouvernement, étaient déjà connus au mieux comme des vautours, au pire comme des vauriens, sinon comme complices des voyous par leurs inactions ou par leur silence. Par contre, Justin Trudeau et Mélanie Joly se trompent s’ils croient que ceux qui dirigent, ceux qui brassent de grosses affaires, font naturellement partie de l’élite. Au contraire !

Je suis désormais convaincu que cette élite haïtienne dont parlait le Premier ministre du Canada et sa Ministre des Affaires étrangères, n’est en réalité qu’une contre-élite composée d’un ensemble de voyous réconfortés et élevés par le silence des gens sans convictions, des gens qu’on croyait de bien mais qui au fait, ne pensent qu’à leurs biens.

Si les politiciens protègent les voyous, si les hommes d’affaires font des affaires avec des malfaiteurs, il ne restera plus grand monde pour mener ce complot de gens de bien que réclame Vélina. Si des autorités politiques protègent des voyous, si des hommes d’affaires utilisent des gangs pour se protéger, c’est parce qu’ils sont aussi voyous que les voyous qu’ils protègent. C’est aussi la preuve que faire partie de l’élite, ne se décide pas par autoproclamation sur la richesse, le pouvoir politique, la classe sociale ou des faux-semblants. C’est plus sérieux que ça. Beaucoup plus sérieux que ça.

Devant tant d’inégalités et d’injustices, on s’attend à ce qu’émerge une classe de femmes et d’hommes ayant l’autorité morale pour dissuader et persuader, pour débattre sans se battre, pour influencer sans s’imposer, pour s’opposer et proposer, pour convaincre sans avoir ce besoin de vaincre, pour canaliser la solidarité sociale. Si vous ne l’aviez pas encore compris, c’est ça la fonction d’une élite.

Mais alors… Si vous croyez qu’il y a une élite en Haïti, dites moi qui réclame la justice, l’équité sociale, le partage juste et équitable de la richesse, le respect du droit à la vie, de la dignité humaine. Quel groupe est porteur de l’excellence sociale, qui sont celles et ceux qui portent le projet de société, qui proposent un nouveau contrat social. Qui est porteur de la force contraire, qui aura le courage de donner la réplique aux dirigeants corrompus, qui est assez digne d’admiration pour imposer une alternative à la voyoucratie ?

Qui s’insurge contre les discours haineux et violents, le racisme ambiant, la misogynie envahissante, l’homophobie rampante. Qui dénonce, qui nuance, qui repense, qui tranche, qui retranche, qui ordonnance, qui annonce… qui se lance ? Personne.

Haïti a-t-elle arrêté de produire des personnes animées de valeurs saines, portées par la volonté de remettre en question le discours dominant, de proposer une vision porteuse d’émancipation, de remettre en question l’autorité incompétente. Qui veut déverrouiller ce pays, qui peut décadenasser cette nation, qui a les clefs pour débloquer cette société bloquée… Qui ?

Si vous croyez qu’il y a une élite en Haïti, dites-moi pourquoi personne dans ce pays ne s’est sentie scandalisée de se retrouver dans les mêmes bas-fonds que ces politiciens et ces gens d’affaires sanctionnés pour leur crimes, leur immoralité ou leur inconscience. Est-ce qu’il y a des gens dans ce pays qui se sentent offensés, heurtés, indisposés parce que comparés par le gouvernement du Canada à des mafieux, à des crapules, à de la vermine, à un bandit légal qui dit accepter d’être élevé au rang de charogne, le même bonhomme qui a fait allègrement l’apologie du viol des femmes ?

Alors dites-moi… Qui pose les bonnes questions, qui a les bons arguments pour faire émerger des réponses cohérentes et constructives. Est-ce qu’il n’y a dans ce pays que des gens qui préfèrent s’associer à des va-nu-pieds et des fatras au point de devenir tout aussi inutiles que ces misérables, tout aussi encombrants que ces impitoyables minables ?

Entendez-vous cette élite ? Moi, je ne l’entends pas. Pas d’images. Pas de lumière. pas de feu. Pas de son. Où sont donc passés ces gens de bien, les avez vous entendus ? Non. Pas de fumée. Pas d’opinions. Pas de sons… Aucune trace.

Je n’entends que la parole des truands, le crachotement des fripouilles et le glaviot des malandrins. J’entends surtout le maudit silence qui rend complice par tempérance, ce silence qui suscite le dégoût et la répugnance. J’appréhende la réticence de ceux qui prétendent faire la différence par leur indifférence.

Tantôt, vous entendrez le charivari d’un sans sentiments, suivi du brouhaha d’un « sans-manmans », le tout mêlé aux détonations d’un autre déchet social qui veut se faire passer pour révolutionnaire. Et moi, je percevrai ce silence brutal tout aussi pesant que le bruit de ceux qui font le tintamarre. Je reconnaitrai le mutisme qui rend encore plus coupable que le battage de ce fumier qui anime le vacarme.

Mais pour le moment, je n’entends rien que le silence de ces gens de bien, ce silence qui crève les tympans de celles ceux qui crèvent de faim et de peur. Ce lourd silence qui pèse sur le quotidien des enfants qui ont envie d’apprendre, de découvrir et de jouer à la marelle. le silence des malendurants qui cache le mal-être des fillettes, le malaise des femmes, les malingres des hommes, ce silence malsain qui malmène celles et ceux qui sont suspendus à nos lèvres.

Je suis désolé Vélina. Vraiment désolé. Je n’entends rien, rien que le silence malveillant des gens de bien, ce silence qui tue toute possibilité de complot, de complot pour le bien commun. Comme dans cette mafia que tu dénonces, là aussi, l’omerta est de rigueur

Écoutez bien et dîtes-moi si vous arrivez à entendre autre chose que la violence de ce silence qui s’étend, de ce silence qui s’entend, de ce silence qui… tue.