Après avoir reconnu sa culpabilité devant un tribunal de la Floride, Guy Philippe a été libéré d’une prison d’Atlanta au 2/3 d’une peine de 9 ans pour blanchiment d’argent lié au trafic de cocaïne. Déporté, cet ancien haut gradé de la police d’Haïti avait à peine mis les pieds dans son pays qu’il disait vouloir devenir Président.

Je vous le dis tout de suite. C’est pas de mes affaires. Les Haïtiennes et les Haïtiens doivent être libres de choisir leurs représentants. Même un voleur. Même un bluffeur. Tant que ça fait leur bonheur. Même un charlatan. Même un chenapan. Ils assumeront leur choix si ça tourne au bataclan.

Ce qui m’avait intrigué, c’est une déclaration faite par Guy Philippe au cours d’une entrevue accordée à CNN. L’ex-détenu avait affirmé qu’il avait été forcé de plaider coupable, parce que c’est ainsi que fonctionne le système de justice américain. Je me suis dit, ben voyons donc. Ça s’peut pas. Tout d’un coup, le gars serait innocent !

Fait-que, je me suis mis à fouiller l’actualité pour le pays, pour la patrie.

Je me suis dit que si un jour, les Haïtiennes et les Haïtiens ont la possibilité de choisir leur Président en toute quiétude, ils sont aussi en droit de connaitre toute la vérité avant de confier leur avenir, en toute connaissance de cause, à un mandarin ou un malandrin, un paltoquet ou un malfèktè.

Fait-que, je me suis mis à décortiquer les infos pour nos frères et pour nos sœurs.

Puis, j’ai gratté. J’ai creusé. J’ai trouvé. J’ai déniché plus que ce que je cherchais. C’est là que je suis tombé en bas de ma chaise.

Fait-que, attache ta tuque… ça va fesser dans l’dash !!!

N.B : Toutes les références sont au bas de cette page. Pour consulter toute la documentation relative aux comparutions de Guy Philippe visitez United States v. Philippe, 1:05-cr-20874 – CourtListener.com

Le 22 novembre 2005, une Cour américaine a émis un mandat d’arrêt contre Guy Philippe, un haut gradé de la police haïtienne. Il a été accusé de complot pour importation de drogue aux États-Unis, complot pour blanchiment d’argent lié au trafic de drogue et implication dans des transactions de plus de 10 000$ liés au trafic de drogue. Le 31 janvier 2006, après plusieurs tentatives pour lui mettre la main au collet, les Américains l’ont classé au rang de fugitif. Je vais vous raconter comment ce statut de fugitif a joué un rôle fondamental dans la suite des évènements.

Recherché pendant des années, Guy Philippe a été arrêté à Port-au-Prince le 5 janvier 2017 et amené devant un tribunal américain dans les heures qui ont suivi son arrivée en Floride. Le Acting Assistant Attorney General Kenneth Blanco, a rappelé que le Drug Enforcement Agency (DEA) avait mis Guy Philippe sous surveillance pendant une dizaine d’années et que cette agence avait pris toutes les mesures pour qu’il n’échappe pas à la justice. Ce n’était un secret pour personne. Tout le monde, Guy Philippe le premier, savait qu’il était recherché par les Américains et que c’était une question de temps avant qu’il ne se retrouve dans un panier à salade.

Dans une entrevue accordée au New York Times en 2016, Guy Philippe, grand maître de l’arrogance, a déclaré qu’il vit librement dans son pays et que les Américains savent où le trouver. Vous savez que les Américains n’aiment pas être mis au défi. Ils l’ont pris au mot et fait la démonstration qu’effectivement, ils savaient où le trouver. Ça a pris du temps, mais ils ont fini par le coincer, tout simplement parce qu’à un moment précis, comme un grand garçon, Guy Philippe a réussi à se convaincre qu’il était inattaquable. Et c’est cette erreur de jugement qui a conduit à sa perte le 5 janvier 2017. Croyez-moi, cette erreur stupide et bête ne sera pas sa dernière.

Si le dossier de Guy Philippe a été pris en charge par le Organized Crime Drug Enforcement Task Force, un consortium de différentes agences américaines dont la mission est d’identifier et de pourchasser les trafiquants, de démanteler les réseaux et surtout faire rouler les têtes dirigeantes de ces réseaux, c’est parce que les Américains en ont fait un cas de très haute priorité. Une de ces agences, le Criminal investigation du Internal Revenue Service, a présenté Guy Philippe devant le tribunal comme un homme recherché depuis une dizaine d’années, donc, un fugitif.

Guy Philippe alors âgé de 49 ans, s’est présenté devant la Juge Cecilia M. Altonaga du Southern District of Florida pour répondre aux trois chefs d’accusation déposés en novembre 2015. Cherchant à le faire libérer sans délai, ses avocats ont immédiatement évoqué trois arguments : l’immunité d’un citoyen qui a été élu au Sénat haïtien, l’illégalité de son arrestation et le délai écoulé entre le moment de son inculpation et sa comparution devant une cour de justice américaine. D’abord, réglons la question de l’immunité.

Les avocats de Guy Philippe ont souligné que leur client bénéficiait d’une immunité à titre de sénateur de la République d’Haïti. Ce dernier a effectivement été élu en novembre 2016. La suite des évènements a démontré qu’il croyait bénéficier de l’immunité attachée à cette fonction au lendemain du scrutin. Convaincu de son invincibilité et c’est ça sa grande erreur, Guy Philippe s’est fait plus visible et moins discret, plus présent sur la scène publique et moins silencieux. Justement. C’est à la sortie d’une station de radio où il venait d’accorder une entrevue qu’il a été agrippé.

Le temps de le dire, il a été démontré que, s’il devait bénéficier d’une immunité pour un crime de droit commun, ce qui était peu plausible, ce serait après son assermentation qui devait avoir lieu quelques jours après l’arrestation. Cette demande a donc été rapidement rejetée par la Juge Altonaga. Cette dernière a soutenu que, même si l’argument de l’immunité était recevable, ce qui n’était pas le cas, l’inculpé n’aurait pas pu s’en prévaloir parce qu’il n’avait pas été assermenté. Donc, pour cette juge, Guy Philippe n’était qu’un simple citoyen au moment de son arrestation.

Vous savez que ce qui a fait grand bruit à l’époque, c’était le contexte de l’arrestation. Pour cause, la défense a demandé la libération de son client qui, dit-elle, a été kidnappé par les Américains. Sauf que les Américains ont démontré que Guy Philippe a été arrêté par des autorités haïtiennes, dont la Brigade de Lutte contre le Trafic de Stupéfiants à qui les Américains ont fourni le support technique nécessaire. Ils ont ajouté que l’arrestation a été exécutée sur la base d’un mandat d’amener émis par un tribunal des Cayes, une ville du Sud d’Haïti. De plus, précisent-ils, le transfert de l’accusé vers les États-Unis a été autorisé par le gouvernement haïtien. À moins que vous ayez d’autres informations qui m’auraient échappé, à ma connaissance, il n’y a eu aucun démenti de la part des autorités haïtiennes concernées. Aucun.

Là où le procès aurait pu réellement déraper, c’est sur le délai entre le dépôt de l’accusation, en novembre 2005, et la première comparution en janvier 2017. Mais Guy Philippe a pris soin de s’auto-incriminer. Une autre erreur stupide et bête qui ne peut relever que de sa proverbiale arrogance.

La Juge Cecilia M. Altonaga a d’abord sermonné les autorités américaines pour avoir mis plus de 10 ans avant d’amener Guy Philippe devant un tribunal américain. Un délai totalement déraisonnable. Et ça, c’est parce que les avocats de l’accusé avaient exigé de la Cour « to dismiss the Indictment, arguing the Government did not comply with its constitutional duty to make a diligent, good-faith effort to locate and apprehend him and bring him to trial ». Mais la poursuite a déposé un document daté du 31 janvier 2006, intitulé Sealed Notice Placing Defendant in Fugitive Status. Donc deux mois après l’émission du mandat d’arrêt, le Deputy Clerk Clarence Maddox a retiré Guy Philippe de la liste des cas pendants pour le placer sur la liste des fugitifs. D’entrée de jeu, je vous disais que le statut de fugitif était capital. Je m’explique.

Les autorités américaines ont fait la preuve qu’elles on mené près d’une vingtaine d’opérations en Haïti pour capturer Guy Philippe. Plus étonnant encore, plusieurs négociations ont été menées avec sa femme, sa garde rapprochée et surtout avec Guy Philippe lui-même. Oui. Il savait qu’il était recherché. Et comment !!!

Première tentative. Les Américains ont tendu un piège que Guy Philippe a réussi à esquiver. Ils ont répondu favorablement à une demande de visa et Guy Philippe s’est présenté à l’ambassade américaine de Port-au-Prince pour le récupérer. Visa en main, il devait prendre un vol le 6 avril 2006. Les Américains l’attendaient de pied ferme à Fort-Lauderdale. Pour une raison inconnue, il ne s’est pas présenté à l’aéroport. À sa défense, ses avocats ont rappelé que, l’ambassade de Port-au-Prince est un territoire américain. Les autorités américaines étaient en droit d’arrêter Guy Philippe lorsqu’il était allé récupérer son visa. Encore aujourd’hui, personne, ni vous, ni moi, ne sait pourquoi ils ne l’ont pas fait. C’est pas tout !

Le 5 avril 2008, le DEA est entré en contact avec l’épouse pour négocier la reddition de Guy Philippe. Refusant de collaborer, elle leur a rappelé qu’elle a été blessée lors d’une tentative de capture de son mari le 16 juillet 2007 et que sa résidence a été saccagée lors d’une autre opération menée le 24 mars 2008.

Si vous doutez encore que Guy Philippe savait qu’il était recherché, sachez que, le 26 mai 2009, il a contacté un agent du FBI pour l’informer qu’il était prêt à se rendre à condition d’être traité avec respect.

Si vous doutez encore que Guy Philippe a reconnu sa culpabilité, sachez qu’en août 2007, il a demandé au Defense Counsel Richard Danosh d’aviser le United States Attorney’s Office et la DEA qu’il était disposé à discuter de sa reddition. Il voulait entre autres, négocier la durée de sa peine et le retrait de l’accusation de blanchiment d’argent. Le pauvre, il ne savait pas que cette accusation, qui est la moins dommageable, serait sa petite porte de sortie.

Après le tremblement de terre de 2010 et jusqu’en avril 2013, les Américains n’ont fait aucun effort pour capturer leur fugitif. Mais de cette dernière date à janvier 2017, ils ont mené plusieurs opérations infructueuses dans la région des Cayes. À la lecture de la documentation rendue publique par les autorités américaines, vous réaliserez que, pendant des années, les Américains l’ont pourchassé à pied et en Jeep dans des champs boisés du Sud d’Haïti. Des récits à couper le souffle. Franchement, on se croirait dans un film d’Indiana Jones, Mad Max ou une scène de Romancing The Stone. Je vous jure. C’est haletant.

La chronologie des évènements relatifs à la capture de Guy Philippe, a convaincu la Juge Cecilia M. Altonaga qu’elle avait affaire à un fugitif. Elle a noté que le prévenu a eu des contacts soutenus avec des agents américains à qui il avait promis de se rendre. Et moi, je vous dis que c’est Guy Philippe lui-même qui s’est tiré une balle dans le pied. Et celle-là lui a fait mal, très mal.

En décembre 2013, Guy Philippe, toujours comme un grand garçon, a commis une autre erreur stupide et bête. Il a présenté une demande d’information en vertu de la Freedom of Information Act. Il voulait prendre connaissance des accusations qui ont été retenues contre lui. Le formulaire est ainsi signé : Guy Philippe AKA Piti-piti, Fugitive NCIC.

Ce faisant, le prévenu a bêtement confirmé son statut de fugitif et fait tomber l’obligation de comparution dans un délai raisonnable. C’est tout ce dont a besoin les Procureurs. Une auto-incrimination qui leur est arrivée comme un cadeau de la providence. La Juge a écrit dans son rapport « A government’s inability to arrest a defendant because of the defendant’s own evasive tactics constitutes a valid reason for delay ». Case closed !

Une fois ces trois arguments évacués, le 13 janvier 2017, au nom de leur client,  les avocats de Guy Philippe ont plaidé non-coupable. Comme il est de mise, la Poursuite a alors déposé ses preuves. C’est là qu’il y a eu un gros rèl-kay-makorèl. Manman pitit, mare senti’w. Jwèt la gate tout bon. Tèt fè mal sou tèt fè mal.  

Quand les preuves ont été déposées, Zeljka Bozanic et Alan S. Ross, les avocats de Guy Philippe, ont eu A Once in a Life Time Surprise. Sidérés, estomaqués, médusés, ils ont appris qu’en échange de la clémence de la Cour, dix criminels déjà jugés et condamnés, ont accepté de plaider contre leur ex-complice, Guy Philippe. Zeljka Bozanic a confirmé cette information le 24 avril 2017 dans une entrevue qu’elle a accordé à Jean-Robert Philippeaux de Island TV. Pour elle, la version des faits de son client n’aurait aucune crédibilité contre le témoignage de ses dix Partners in Crime. Donc, la Défense a vite compris que la probabilité qu’un jury penche en faveur de Guy Philippe était pratiquement nulle.

Après avoir pris connaissance de toutes les preuves et des pièces à convictions, Zeljka Bozanic et Alan S. Ross ont présenté une requête pour entamer des négociations avec la Poursuite. Après consultation avec leur client, ils ont demandé aux représentants du gouvernement américain, Andy Gamacho, US District Attorney et Lynn Kirckpatrick US Assistant District Attorney, d’entreprendre des pourparlers dans le but de faire une proposition commune à la Juge Cecilia M. Altonaga. Ça s’appelle un Plea Bargaining.

Les avocats de Guy Philippe voulaient à tout prix faire tomber les accusations d’importation de cocaïne et d’implication dans des transactions de plus de 10 000$ liées au trafic de drogue. Compte tenu des preuves, sachant que la probabilité de gagner était nulle et que perdre un procès pour de telles accusations exposerait inévitablement leur client à une sentence de prison à perpète, la Défense est parvenue à une entente avec la poursuite le 24 avril 2017.

Dans cette entente signée par les quatre avocats et le fugitif, il est écrit que les Procureurs laissent tomber les deux autres chefs d’accusation. Guy Philippe plaide coupable en toute connaissance de cause, uniquement à une accusation de complot pour blanchiment d’argent dans la cadre de trafic de cocaïne, des crimes qui se sont déroulés entre la fin des années 1990 et le début de l’an 2000. Ce chef d’accusation de blanchiment d’argent dont il voulait se débarrasser lors des négociations avec des agents américains, s’est avéré, dans les circonstances, le plus avantageux pour l’accusé.

Guy Philippe, celui qui disait avoir été ciblé uniquement pour ses prises de positions politiques, s’est alors librement engagé à plaider coupable du crime de Conspiracy to launder monetary instruments, in violation of Title 18, United States Code, Section 1956. À aucun moment, Guy Philippe n’a pas été forcé de plaider coupable. Jamais. D’ailleurs, le American Bar dit que « The courts should never accepte a plea of guilty or nolo contendere without first determining that the plea is voluntary ». Le Cornell Law School et d’autres département de droit dans d’autres universités confirment cette notion du Voluntarinees of Plea. Quand Guy Philippe dit qu’il a été forcé de plaider coupable, il ment. Il fabule. Il s’invente une histoire à dormir debout. Il vous prend pour une cruche.

La Cour a rappelé à celui qui a librement plaidé coupable pour blanchiment d’argent lié au trafic de cocaïne, que sa reconnaissance de culpabilité a un impact sur son droit de séjour aux États-Unis. Il est également informé du fait qu’il encourt une peine pouvant aller de 9 à 20 ans de pénitencier. Il apprend aussi que la Cour peut lui imposer une amende et une période de liberté surveillée.

En échange de la clémence de la Cour et par la force des choses, Guy Philippe a accepté de faire des aveux aux autorités américaines qui, pour des raisons évidentes, tiennent à comprendre la mécanique de ses crimes. Il a accepté de dévoiler l’exactitude factuelle de son brigandage. Plus précisément, il est écrit que l’entente peut prendre fin si le scélérat « fails or refuses to make full, accurate and complete disclosure to the probation office of the circumstances surrounding the relevant offense conduct ». Autrement dit, l’entente est assujettie à la condition d’aveux complets et sincères. C’est dans ce contexte que Guy Philippe s’est sagement mis à table pour déballer sa vérité et une fois de plus, s’auto-incriminer. Sauf que cette fois-ci, je ne peux pas placer ses aveux sur le compte d’une autre erreur stupide et bête. À vous de trancher.

Tande byen wi pèp la !!!

Guy Philippe a admis que, pendant des années, il a été rémunéré par des narcotrafiquants colombiens et que ces derniers lui ont versé jusqu’à 3,5 millions de dollars en argent comptant pour ses précieux services. Il a en outre admis avoir utilisé une partie de cette somme, pour acheter une résidence à Broward County en Floride, offrir à sa famille une vie sans contraintes, et pour étaler sa Dolce Vita.

Guy Philippe a admis avoir transféré, d’une banque haïtienne et d’une banque équatorienne, une tranche de 376 000 $ de l’argent qu’il savait être le fruit de la vente de cocaïne aux États-Unis, vers un compte conjoint qu’il détenait avec sa femme dans une succursale de Miami de la First Union National Bank. Il a admis avoir utilisé des prête-noms, donc des complices, dans le but d’éviter tout traçage.

Guy Philippe a admis avoir transféré 70 000$ d’argent sale par tranches de 10 000 $. Ce procédé, disait-il, devait le mettre à l’abri des vérifications du fisc américain.

Guy Philippe a admis qu’il savait que l’argent qu’il recevait des narcotrafiquants était le fruit de la vente de cocaïne à Miami et dans d’autres villes américaines.

Guy Philippe a admis avoir utilisé les pouvoirs et les privilèges associés au statut de haut gradé de la police haïtienne pour faciliter l’entrée de drogue en Haïti, protéger les cargaisons et faciliter l’expédition de ces marchandises aux États-Unis. Guy Philippe, le corrompu est aussi un corrupteur.

Guy Philippe a admis que l’argent reçu a servi à assurer la collaboration de policiers haïtiens et à acheter leur silence.

Après la grande confession de Guy Philippe et avant d’entamer le processus d’avilissement, la Cour a noté que l’accusé a reconnu sa responsabilité dans des activités criminelles ayant un impact sur la qualité de vie des citoyens américains ainsi que des crimes qui ont affecté la vie de milliers d’Haïtiennes et d’Haïtiens. Après le grand déballage de l’accusé, en piétinant le peu de conscience sociale qui lui restait, la Cour a pris soin de démolir, en petites pièces impossibles à recoller, le mythe du rebelle autoproclamé que Guy Philippe a lui-même construit et propagé. La Cour a en même temps, fait voler en éclat son utopique fantasme de révolutionnaire chimérique.

La Cour a rappelé à Guy Philippe que la corruption de policiers, d’agents mandatés pour servir et protéger la population haïtienne, est une attaque aux fondements mêmes de la démocratie. Elle lui a répété qu’il n’a pas respecté ses engagements envers le peuple haïtien que, lui aussi, avait pour mandat de servir et protéger. Au contraire, il a, en avaricieux incorrigible, abusé à des fins d’enrichissement personnel de son statut de haut gradé de la police et des pouvoirs dont il jouissait à ce titre.

La Cour a insisté sur le fait que ses crimes ont eu des effets en Haïti, aux États-Unis et dans toute la Caraïbes. Elle a pris à partie Guy Philippe pour avoir trahi la confiance des Haïtiennes et des Haïtiens.

Comme je vous l’ai déjà raconté, en contrepartie de ses aveux, le gouvernement américain représenté par le US District Attorney Andy Gamacho et par le US Assistant District Attorney Lynn Kirckpatrick, a laissé tomber les deux autres chefs accusations. En échange de la peine minimale, la Cour a accepté le plaidoyer de culpabilité de Guy Philippe, ce qui a permis de faire l’économie d’un procès et a conduit directement à l’audience consacrée à la peine. Dès le début de la procédure, l’inculpé a été avisé, que la Cour allait seule décider de la peine et qu’en aucun cas, Guy Philippe ne pourra retirer son admission de culpabilité. Cette auto-inculpation, aussi déshonorante soit-elle, est définitive.

La Juge Cecilia M. Altonaga a prononcé la sentence le 21 juin 2017. Elle a condamné Guy Philippe à 108 mois de prison, plus 36 mois de liberté surveillée et une amende de 1,5 millions de dollars. Cette somme devait être récupérée par la saisie d’une propriété qu’il possédait aux États-Unis.

Koute byen wi pèp la !!!

On peut lire dans l’entente que « A money judgment in the amount of $1,500,000 in United States currency, which the parties agree represents the value of the property ». Oui. Vous avez bien compris. La résidence de Guy Philippe à Broward County saisie par la justice américaine, valait 1,5 million de dollars américains. Apre sa, jij la voye Guy Philippe al trip en solo.

Puis, contre toute attente, mais conformément à la logique d’arrogance de ce personnage sans vergogne, Guy Philippe a tenté un coup de théâtre.

Un an après sa condamnation, en mars 2018, du fond de sa cellule du Federal Correctional Institution McKean à Bradford en Pennsylvanie, le condamné qui a été avisé qu’il ne pouvait en aucun cas revenir sur son admission de culpabilité, a intenté une poursuite contre l’ambassadeur des États-Unis en Haïti, les Procureurs de la Poursuite, des agents de la DEA et d’autres autorités américaines pour faire valoir que les preuves déposées en cour ne sont pas valides. Dans le Maimi Herald du 2 juin 2018, la journaliste Jacqueline Charles a écrit « Despite agreeing a year ago that he would never appeal his guilty plea in a Miami federal court, Guy Philippe did just that ». Si ce n’était que ça…

Pour s’assurer d’avoir l’air encore plus fou, le détenu a remis en question le travail de ses propres avocats. Il a écrit dans sa requête que Zeljka Bozanic et Alan S. Ross l’ont mal conseillé et qu’ils étaient de mèche avec la Poursuite. Il précise qu’ils étaient « Ineffective. Working for both sides. Weren’t credible ». Évoquant la violation de ses droits, le réclusionnaire a réclamé sa libération immédiate, un dédommagement de 100 millions $ et des frais d’avocats de 185 000$.

Pourtant, au moment de sa comparution, la Juge Cecilia M. Altonaga lui avait proposé les services d’un interprète. Guy Philippe avait refusé cette offre et affirmé avoir les compétences linguistiques nécessaires pour comprendre et prendre des décisions éclairées. La Juge Altonaga a écrit dans son rapport qu’au début de l’audience, elle a demandé à Guy Philippe qui s’est présenté à elle comme un College Educated Man, « if he was satisfied with the representation his counsel had provided him ». Ce jour-là, il a répondu par l’affirmative.

La poursuite intentée par Guy Philippe a été classée sans suite quand ce Jailbird s’est fait rappeler avec beaucoup de gentillesse et avec la plus grande délicatesse, qu’il avait conclu une entente avec le US Attorney’s Office pour éviter la perpétuité. Il n’en fallait pas plus pour faire comprendre au forçat qu’il n’a aucun intérêt à rouvrir son dossier. Il a rapidement pris son trou. Guy Philippe te oblije met d’lo lan diven’l. Sa pièce de théâtre n’a jamais atteint son climax. Case closed !

Après avoir purgé 72 des 108 mois de détention, soit au 2/3 de sa peine, Guy Philippe avait droit à une libération conditionnelle. En appui de sa requête, il a adressé en novembre 2023, une lettre à la Cour, dans laquelle il a écrit : « I have learned from my recklessness and gained an appreciation for risks and consequences and I am looking forward to returning to Haiti to participate in the betterment of my community of Pestel on the Tiburon peninsula. Si je traduis librement, je vous dirais que cette note ressemble à une légère intention limitée et évaporée de garder la paix et à un timide et approximatif mea culpa. Sans plus. Comme l’a déjà dit Jean-Jacques Rousseau, « on n’a jamais vu personne se repentir pour une bonne action ». C’est faible, mais c’est au moins ça de pris. Mais bon. Mennen koulèv lekol se youn, fè’l chita se de, fè’l aprann se twa. Sitou lè koulève guen tèt di.

À moins de voir cette note du prisonnier comme une autre erreur stupide et bête, avec un peu de bonne volonté et un moindre effort, vous pourriez détecter dans les propos de celui qui marchande sa liberté derrière les portes du pénitencier, le minimum requis de ce qui peut être compris comme une futile et superficielle admission de culpabilité. Mais ça, c’est avant que je vous rappelle qu’on est jamais partiellement presque coupable à moitié.

À sa sortie d’une prison d’Atlanta, l’ancien prisonnier qui a reconnu sa culpabilité pour blanchiment d’argent lié au trafic de cocaïne, reconnu avoir corrompu des agents de police pour son enrichissement personnel, sans statut aux États-Unis, a été déporté en Haïti illico. Guy Philippe a à peine mis les pieds dans le pays qu’il a dévoilé son intention de prendre le pouvoir.

Dès les premières entrevues accordées après son retour en Haïti, le déporté a déclaré qu’il voulait devenir Président d’Haïti et, affirmé qu’il a été kidnappé par les Américains qui l’ont forcé à plaider coupable. Or, rien dans la documentation que j’ai consultée ne me laisse croire qu’il n’a pas donné son aval en pleine connaissance de cause à la démarche qui a mené à sa condamnation. Rien. Cependant, une chose est certaine…

Vous pouvez tout remettre en question. Tout. Surtout mon interprétation des faits. Vous êtes libre de remettre en question les motifs de l’arrestation de Guy Philippe. Il est tout à fait légitime de questionner la légalité de son arrestation quand, images à l’appui, vous avez vu des Américains parader leur gibier avant de l’embarquer dans un avion à destination de la Floride.

Vous pouvez tout remettre en question. Je vous comprendrai si vous estimez qu’un tribunal américain n’a aucun intérêt à offrir un procès juste et équitable à quelqu’un qu’il considère comme un acteur majeur dans le trafic de cocaïne.

Libre à vous aussi de penser qu’il pourrait s’agir d’un règlement de compte entre des hommes politiques haïtiens. Ce ne serait pas étonnant. Ça fait partie des mœurs de la Familia.

Vous pouvez tout remettre en question. Everything and Anything. Tout est contestable. Tout. Surtout la validité de mes sources. Tout bagay. Sauf une chose, la plus importante de toutes. Celle qui a fait toute la différence. Tout. Sauf ce sur quoi Guy Philippe n’a jamais été questionné. Tout sauf ce qu’il n’a jamais eu à démentir. Tout. Sauf ses aveux devant le tribunal. Alors…

Si vous le rencontrez avant moi, demandez à Guy Philippe, celui qui dit avoir té victime d’un coup monté, si ses aveux étaient complets, francs et sincères. Peut-être qu’il vous dira qu’il a menti à la Cour pour pouvoir bénéficier de la clémence de la Juge. Tout est plausible. Rien n’est impossible.

Si vous le croisez avant moi, demandez-lui comment, avec un salaire de haut gradé de la police haïtienne, il a pu se payer une résidence en Floride d’une valeur de 1,5 million de dollars américains. Dites-lui que je vous ai dit que le salaire le plus élevé de la Police nationale d’Haïti (PNH), soit celui du directeur général, était d’environ 1 000 dollars américains par mois en 2023. Oui. C’est bien ça. Quatre-vingt-dix-sept mille gourdes par mois, ça vous donne à peine mille dollars avant les retenues à la source. Tout est possible. Rien n’est improbable.

Si vous le rencontrez avant moi, demandez à cette pastiche de libérateur qui veut diriger son pays s’il est vrai qu’il a librement et sans contraintes, signé des aveux par lesquels il explique comment les cartels colombiens l’ont rémunéré pour ses précieux services et comment il a géré et dissimulé cet argent avec l’aide de plusieurs complices, dont sa propre femme.

Demandez à Guy Philippe, je vous en prie, s’il n’a pas baissé la tête quand la Juge lui a reproché d’avoir trahi la confiance de ses concitoyennes et ses concitoyens, si ce qu’il a ressenti à ce moment n’était pas de la honte, de l’opprobre ou de la turpitude. À moins que ce soit le déshonneur d’avoir laissé tomber ses compatriotes, celles et ceux qui croyaient en sa bonne foi. Celles et ceux qu’il avait le devoir de servir et de protéger et qu’il veut encore servir et protéger avec sa légendaire sincérité.

S’il vous accorde une entrevue avant moi, demandez à cette parodie du super-héros qui veut devenir Président d’Haïti où était passée son arrogance quand la Juge Cecilia M. Altonaga lui a rappelé qu’il avait abusé de la confiance de son peuple. Ce même peuple à qui il demande aujourd’hui de lui faire confiance à nouveau pour guider sa destinée en ces temps sombres.

Dites à ce taulard que j’ai un urgent besoin de savoir si le crime qui lui a été reproché était un acte de routine ou un comportement passager, une vilaine habitude ou une parenthèse refermée, une infâme manie ou un éphémère égarement de pèlerin.

Je voudrais surtout m’assurer que ce gibier de potence sache que le vice a pour vilain défaut de s’installer définitivement, quand on s’y attend le moins, dans l’égo des ti-vicieux de petites vertus. Abitid se vis.

Je vous fais toutes ces demandes mais je ne m’attends à rien. Vous savez comme moi, et nous ne sommes pas les seuls, qu’ici comme là-bas, nul, même le plus arrogant des pseudo-rebelles, n’est obligé de témoigner contre lui-même.

À moins que Guy Philippe, ce révolutionnaire de pacotille, ait pris comme mauvaise-mœurs, de multiplier les erreurs stupides et bêtes, comme si c’était devenu son indécrottable seconde nature.

La woze fè banda… Tout otan soley poko leve !

 

 

 

 

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