Vingt chefs d’État ainsi que le secrétaire général de l’ONU ont participé le 13 octobre 2025 à Charm el-Cheikh en Égypte, à un « Sommet pour la paix » . Ils se sont convaincus d’avoir une fois de plus confirmé une nouvelle paix éternelle entre Israël et le Hamas. Dans les faits, ils ont officialisé un autre cessez-le-feu. Ils ont surtout décidé de l’avenir de Gaza… sans les Gazaoui.es. Autres absents, les représentants des familles des victimes israéliennes. Cette mise à l’écart des premiers concernés est la plus grande menace à leur paix. C’est en fait, le principal déterminant pour la reprise des hostilités, la relance des représailles et la réescalade de la violence.

Puisque des crimes ont été commis en Israël et à Gaza, il y a forcément des criminels qui, pour l’honneur et la dignité de leurs victimes, doivent rendre des comptes devant la justice. Or, les principaux acteurs du cessez-le-feu sont eux-mêmes, à divers moments de leur parcours, les bénéficiaires d’une longue tradition d’impunité. Léger détail, cette paix a été négociée entre hommes puissants. Il est donc normal qu’ils ne trouvent rien d’anormal à offrir cette même impunité à d’autres hommes sans égards pour les victimes directes, leurs familles encore moins pour les victimes collatérales.

Donald Trump, l’acteur central, a été condamné pour falsification de documents commerciaux, agression sexuelle, diffamation et j’en passe. Le 16 février 2024, condamné pour fraudes financières par la Cour supérieur de New-York, il a été interdit de diriger une entreprise dans cet État pendant trois ans. Malgré tout, en novembre 2024, près de 94 millions d’électrices et d’électeurs américains lui ont confié la présidence de leur pays et la gestion d’un budget national de 5 200 milliards de dollars en recettes et de 7 000 milliards de dollars en dépenses. C’est ce genre de truc qui me fait répéter que le plus grand défaut de la démocratie, c’est qu’elle permet d’élire le plus populaire même s’il est incompétent.

Quand le Président américain a proposé de vider Gaza de ses habitants pour en faire une riviera, tout le monde a compris que pour lui, la résolution de problème passe par un nettoyage ethnique. Donald Trump qui se prétend l’envoyé de son Dieu, fort de sa certitude messianique, prétend qu’il pourra à la fin de son mandat, s’auto-pardonner, s’auto-impuniser et s’auto-épier de tous ses péchés. Quand il se fera justice, il se fera prévenu, victime et juge. Au besoin, il s’auto-accordera la rédemption.

Acteur de premier plan, Benjamin Netanyahu est recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Selon l’acte d’accusation, le premier ministre d’Israël a, entre autres, utilisé la faim comme arme de guerre entre le 8 octobre 2023 et le 20 mai 2024 à Gaza. Ce n’est pas tout. Francesca Albanese, experte en droits de la personne de l’ONU, l’a accusé de génocide. Human Rights Watch l’a taxé de nettoyage ethnique. Si ce n’était que ça !

Dans son édition du 6 juin 2025, le journal Le Temps a rapporté que pour l’aider à éliminer les terroristes du Hamas, Benjamin Netanyahu a admis avoir embauché, protégé et fourni des armes à un chef de gang de Gaza. Pas n’importe lequel… Yasser Abou Shebab, un déchet social à la tête d’un gang criminel de 300 hommes, aurait été mandaté par le premier ministre d’Israël pour l’aider à affamer les Gazaoui.es. Je vous lance le défi de déterminer qui, dans ce pacte avec le diable, est le Prince des ténèbres.

Pour confirmer son amnistie, Benjamin Netanyahu qui est poursuivi dans son pays pour corruption, a été élevé au rang de « héros de guerre » par Donald Trump. Pour approuver son immunité, pour faire un pied-de-nez à la justice internationale, les présidents de la France, de la Hongrie et de la Pologne lui ont garanti qu’ils n’exécuteront pas le mandat de la CPI. S’il pile leur sol, ces dirigeants ne procéderont pas à son arrestation. Au contraire, Ils lui dérouleront le tapis rouge réservé aux chefs d’État en exercice. Benjamin Netanyahu peut donc dormir tranquille.

Dans le camp adverse, il y a le Hamas. Mais, il n’y a pas que le Hamas qui veut contrôler la population et le territoire de Gaza. Cette organisation a des ennemis de l’intérieur qui sont perçus comme mouvements de résistance par les uns ou milices terroristes par d’autres. Qu’à cela ne tienne. Ces luttes internes, souvent ignorées dans les officines de la communauté internationale, façonnent le quotidien des Gazaoui.es et fragilisent la paix, une réalité en tout temps et universellement fragile. Passons.

Le Hamas a été reconnu comme une entité terroriste par plusieurs pays dont la Suisse, l’Australie, le Japon et l’Union européenne. Le Canada en a fait de même en 2002 pour entre autres dénoncer ses attaques contre des civils israéliens et l’utilisation des Gazaoui.es comme bouclier humain. Et pourtant… Le Hamas a remporté les élections de 2006 dans la Bande de Gaza sous les yeux de plus de 900 observateurs internationaux. Ces observateurs ont ainsi confirmé la crédibilité du scrutin, donc attesté la légitimité démocratique de ce groupe que leurs pays avaient des années auparavant, qualifié et classé comme marchand de terreur.

Il y avait aussi au sommet du 13 octobre 2025, plusieurs suspects sujets à caution, des soupçonneux en quête de légitimité. Pour déguiser l’indécence, pour maquiller l’inconvenance et pour avoir la paix, leurs acolytes leur ont fabriqué une fréquentabilité de circonstance. C’est ainsi que la présence de nombreux acteurs louches et obscurs sur la photo de classe vous est apparue tout à fait normale. C’est le cas du président de la Turquie, Recep Tayyip Erdoğan. Ce type a horreur du contre-pouvoir et ne se gêne pas pour faire emprisonner des élus, des journalistes ou des artistes qui osent remettre en question ses méthodes autocratiques.

Sur la photo officielle, vous apercevrez Tamim ben Hamad Al Thani, l’Émir du Qatar. À la tête d’une pétromonarchie misogyne, homophobe, raciste et esclavagiste, ce Cheikh qui, en novembre 2024, a aboli les élections dans son royaume, est assez riche pour se permettre de faire la morale au reste du monde sur ce qui est démocratique ou pas. Avec des moyens illimités, il peut acheter le silence des justes qui prétendent s’opposer à ses injustices.

Ne perdez surtout pas de vue Abdel-Fattah al-Sissi. Le Président de l’Égypte, serviable mais jetable, a horreur de la dissidence. Il est reconnu pour faire emprisonner, voire faire disparaître ses opposants après les avoir torturés. Il fait partie de la catégorie de dirigeants qui remportent leurs élections avec au moins 90% des voix contre des adversaires qu’ils prennent eux-mêmes le temps de sélectionner. Quand c’est nécessaire, ils font modifier la Constitution de leur pays pour prolonger leur impérieuse indispensabilité. Abdel-Fattah al-Sissi est pourtant adulé par la communauté internationale qui en a fait désormais, un autre apôtre de la paix.

Les victimes, les grands absents du « Sommet pour la paix », sont celles et ceux qui auront à vivre au quotidien avec des gens qui vont profiter de l’impunité accordée par des hommes qui en ont eux-mêmes bénéficiée. Personne n’a évoqué d’éventuelles poursuites contre les meurtriers, les violeurs et les kidnappeurs du Hamas, ni contre les criminels de guerre et les affameurs israéliens. Personne ne s’est demandée s’il fallait trainer en justice les membres du gang palestinien financé par Benjamin Netanyahu, mon « zéro de guerre ». Personne n’a parlé de réparations. Mais tous ces hommes, du haut de leur toute-puissance, se sont mis d’accord pour offrir l’amnistie, l’exil et un sauf-conduit aux membres du Hamas qui accepteront de déposer les armes.

Parce qu’il n’a pas été question de justice pour les victimes, ce qui vous a été présenté comme un sommet pour la paix, n’est en fait qu’un sursis à la guerre. Non. La paix ne se mesure pas par l’absence de guerre. Non. Le silence des armes n’est pas synonyme de paix.

Seule la justice permet de rompre le cycle infernal de la peur de l’autre, cette peur qui finit par se traduire en haine, cette haine qui a toujours alimenté le besoin de se faire justice soi-même.

C’est sur le sentiment d’injustice que s’échafaudent le besoin de vengeance, se planifient les règlements de compte, se concoctent les vendettas qui finissent toujours par exploser en violence, cette violence aveugle qui a atteint son paroxysme dans la barbarie des deux cotés du Mur de fer.

Il n’y a jamais eu de paix, il n’y a pas de paix, il n’y aura jamais de paix… sans justice.

Que la paix soit avec vous et les sains d’esprit.