Laval, le 5 mai 2025

Monsieur Jean-François Roberge
Ministère de l’Immigration du Québec

Monsieur le ministre,

Je viens vous signaler que dans le dossier des demandeurs d’asile originaires d’Haïti, Marco Rubio vous a fait une passe sur la palette. Par sa dernière décision, il confirme qu’il revient aux Américains de leur accorder l’asile. Alors, si vous voulez réduire l’afflux de demandeurs d’asile qui cherchent à s’installer au Québec, passez vite la puck à Mark Carney pour alimenter ses discussions avec Donald Trump. Vous ne le regretterez pas.

Le Secrétaire d’État américain a placé deux des plus importants gangs haïtiens, Viv ansanm et Gran grif sur sa liste d’organisations terroristes. Il a écrit dans son communiqué du 2 mai 2025 que ces groupes armés s’étaient donnés pour objectif de renverser le gouvernement en place. En reconnaissant que la population haïtienne est terrorisée et que le pays peut, à tout moment, basculer aux mains de terroristes, le Secrétaire d’État américain a donné raison à ces travailleur.euses humanitaires qui ont déclaré que Haïti est l’endroit le plus dangereux sur la planète après Gaza. Voici pourquoi.

Au premier trimestre de 2025 seulement, la violence a fait 1 617 morts. C’est beaucoup de monde en 3 mois pour une population évaluée à moins de 12 millions de personnes. C’est 6 fois plus de civils tués qu’en Ukraine. Puisque la tendance se maintiendra, le record de 5 600 personnes assassinées en 2024 sera pulvérisé avant la fin du mois d’octobre 2025. Tenez bien fort les bras de votre chaise Monsieur le ministre. La prochaine information va vous glacer le sang. Écoutez-moi bien. Je ne la répéterai pas, parce qu’elle me terrorise dans tout mon être.

Selon l´UNICEF, en 2024, les violences sexuelles, notamment des viols et des viols collectifs, commises par des membres de gangs contre des femmes et des fillettes, ont augmenté de 1 000 % par rapport à 2023. Oui. J’ai bien dit 1 000 %. Maintenant, inspirez et retenez ce qui vous reste de souffle Monsieur Roberge. Vous allez en avoir besoin. La prochaine information va vider vos poumons d’un coup sec.

Les organisations de défense des droits humains ont indiqué que ce 1 000 % n’est qu’une infime fraction des cas. Elles avancent que la plupart de ces crimes ne sont pas rapportés par peur de représailles. Pire encore, quand ces crimes sont dénoncés, défaillant, l’État est incapable de rendre justice. Et moi, je vous dis, parce qu’impunis, les crimes sexuels contre les femmes et les fillettes sont banalisés, puis… normalisés.

Et les enfants dans tout ça ? Leur corps aussi, est un terrain de guerre. Pour la seule année 2024, le recrutement d’enfants dans des groupes armés a augmenté de 70 %. Résultat, dans l’édition du 7 février 2025 de ONU Info, j’ai appris que la moitié de tous les membres de gangs sont des enfants. Des enfants soldats quoi. Cette donnée aussi est en soi incomplète. Plusieurs de ces enfants ont à peine 8 ans. Ils ont été enrôlés de force comme éclaireurs, ce qui fait d’eux les premières victimes des affrontements entre les gangs et la police.

Voilà ! J’étais venu vous démontrer, Monsieur le ministre, que Marco Rubio a reconnu que les demandeurs d’asile haïtien.nes sont des gens terrorisés qui fuient la terreur de terroristes. Vous avez certainement compris que cette terreur généralisée brise des familles, des communautés et tout le tissu social du pays. Vous admettrez que retourner des gens dans un pays contrôlé par des terroristes, est en flagrante contradiction avec les principes élémentaires du droit international et des droits humains et en discordance avec le constat de Marco Rubio.

Ceci dit, pour réduire les demandes d’asile, je vous invite à demander à Mark Carney de faire valoir auprès de Donald Trump, qu’il est moralement inadmissible, de renvoyer dans leur pays des gens qui fuient les terroristes que dénonce son propre Secrétaire d’État. En toute logique cohérente, c’est donc aux Américains de traiter les demandes d’asile des Haïtien.nes.

Je vous prie de recevoir, Monsieur le ministre, l’expression de ma plus haute considération.

Frédéric Boisrond

C.C. André Albert Morin, Porte-parole de l’opposition officielle en matière d’immigration.
Guillaume Cliche-Rivard, Porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière d’immigration.