Bien malgré lui, François Legault a non seulement déclamé la définition la plus exacte du racisme systémique, il a aussi expliqué comment ce phénomène se vit et sévit au Québec. Le Premier ministre a fait tout ça le 6 octobre 2020 lorsqu’il a présenté des excuses à la famille de Joyce Echaquan. Cette citoyenne de la communauté atikamekw de Manawan est décédée après avoir été accueillie sous une pluie d’insultes racistes à son arrivée à l’Hôpital de Joliette.

Ce jour-là, François Legault a déclaré que pendant des décennies, les peuples autochtones avaient fait l’objet de discriminations. Puis, il a ajouté que « les choses ont changé mais ça a laissé des blessures profondes. Ça a laissé des traces chez beaucoup d’individus ». C’est ça le racisme systémique, les effets pervers générés par les traces que les racistes laissent dans l’esprit des individus qui travaillent dans un système.

Ce sont ces traces qui s’incrustent dans la culture des organisations et qui se transforment en reflexes différenciés quand vient le temps d’interagir avec l’autre. À l’Hôpital de Joliette, ces traces qui étaient invisibles et dont on ne connait pas le point de départ, sont devenues perceptibles avec le drame vécu par Joyce Echaquan.

Si des membres du personnel de l’Hôpital de Joliette pouvaient crier des injures racistes à tue-tête et à haute voix, c’est parce qu’il est fort probable que personne n’ait jamais été réprimandée pour de tels comportements. Tout porte à croire que les personnes fautives croyaient que leurs comportements étaient approuvés puis normalisés par la majorité de leurs collègues qui se seraient faits complices au mieux par leur silence et le laisser-faire, au pire, par des postures similaires. 

Le Premier ministre du Québec a précisé dans son discours que les membres des Premières nations faisaient l’objet de racisme et que « ça existe dans la police. Ça existe dans la justice. Mais ça existe aussi en dehors des institutions gouvernementales, notamment en matière d’emploi et en matière de logement ». Justement !

François Legault a laissé croire que si Joyce Echaquan ne pouvait recevoir des soins de santé dans la dignité, il serait inimaginable qu’une Autochtone puisse obtenir un emploi à la hauteur de ses compétences à l’Hôpital de Joliette et espérer pouvoir habiter dans le même quartier que les employés de cette trop noble institution sans que sa présence dans ce secteur ne paraisse suspecte. C’est comme ça que ça se passe quand un système est gangréné.

François Legault a dit qu’il n’y a pas de système de racisme au Québec. C’est vrai. Mais il n’a jamais été question de ça. Ce dont il est question c’est d’un ensemble d’organisations interconnectées qui se contaminent et qui finissent par partager la même culture, si ce n’est la même sous-culture malsaine.

Lorsqu’il s’est levé à l’Assemblée nationale, le Premier ministre a dit que « la nation québécoise est ouverte. Elle n’est pas raciste ». C’est vrai. Il a aussi dit qu’il y a des racistes au Québec. Ça aussi c’est vrai. Le personnel qui a accueilli Joyce Echaquan à l’hôpital, en a fait une éloquente démonstration. Puis, François Legault a promis de faire la chasse aux racistes. Bonne chance. Ça va bien aller si et seulement si c’est écrit sur leur front ou sur leur fronton.

Avec cette définition magistrale du racisme systémique, François Legault a plutôt fait ressortir que dans une nation ouverte comme le Québec, il y a plus de comportements racistes que d’individus racistes. Il a laissé comprendre qu’il fallait annihiler ces traces qui invitent les individus qui ne sont pas racistes à adhérer à des valeurs racistes qui, une fois infectés par le système, viendront gonfler la liste de racistes à retracer. 

Frédéric Boisrond

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