En mars 2021, des informations ont commencé à circuler à l’effet qu’au Canada et au Québec, les personnes afro-descendantes refuseraient de se faire vacciner contre la Covid-19. Puisque personne n’a tenté de connaitre la vérité, l’espace s’est desserré pour permettre l’épidermisation d’un faux débat sur un faux problème construit autour de fausses perceptions.
En 2019, avant la pandémie de Covid-19, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a intégré le Vaccine Hesitancy parmi les 10 plus grandes menaces pour la santé, au même titre que les changements climatiques, les famines, les conflits et les déplacements de populations. C’est pas peu dire. L’OMS avance que les vaccins ont permis de sauver 2 à 3 millions de vie chaque année et qu’une meilleure adhésion permettrait de sauver 1,5 millions de personnes de plus.
Quand l’OMS parle de Vaccine Hesitancy, elle fait référence au manque de confiance dans les vaccins. Elle parle de ce qui pousse les citoyennes et les citoyens de 90% des pays de la planète à reporter la décision de se faire vacciner. Parce que l’unique raison de ces hésitations est tellement terre-à-terre et évidente, on s’entête à chercher des justifications là où il n’y en a pas. La confiance, c’est uniquement de ça qu’il est question. La confiance. Rien d’autre. La confiance. Oui, mais pas seulement dans les vaccins.
The trouble with trust est une étude dirigée par l’Université McGill qui porte sur l’observation du taux de mortalité lié à la Covid‑19 dans 84 pays. Les chercheurs ont démontré que, comme lors des épisodes du SRAS et du H1N1, il y a une corrélation évidente entre le manque de confiance dans le système de santé et le nombre de décès liés à la Covid-19. Oui, c’est simple. Il y a moins de décès parmi les personnes et les groupes qui font davantage confiance aux recommandations des autorités de la santé publique. À conditions que ces recommandations soient cohérentes. C’est là que ça s’complique.
Depuis le début de la pandémie, les contradictions dans les avis scientifiques et les décisions politiques ont non seulement favorisé la perte de confiance dans les vaccins, elles ont surtout miné la confiance des citoyens dans le système de santé qui leur propose ces produits. Détrompez-vous. Les doutes sur la sécurité et l’efficacité des vaccins ne mènent pas automatiquement au refus. Ils retardent les décisions. Cependant, s’ils ne sont pas contrés par les autorités scientifiques, ils ouvrent l’espace médiatique aux discours des anti-vaccins qui eux, invitent au refus et bien souvent, avec succès.
Le Vaccine Confidence Project a été créé en 2010 par l’OMS afin de déterminer le niveau de confiance des citoyennes et des citoyens dans les vaccins. Entre septembre 2015 et décembre 2019, le Vaccine Confidence Project a mené son enquête auprès 284 381 personnes issues de 290 groupes ethniques répartis dans 149 pays. Les données recueillies devaient permettre aux décideurs de mieux adapter leurs approches. Des gens plus fancy que moi appellent ça le Vaccinne preparedness, readiness and delivery. Et pourtant…
À la première occasion, tout le monde a choisi de regarder ailleurs pour s’assurer de ne pas prendre connaissance des informations contenues dans ce rapport qui a été publié dans The Lancet le 10 septembre 2020, quelques semaines avant que les vaccins contre la Covid-19 ne soient homologués.
Le rapport du Vaccine Confidence Project dit clairement que le niveau d’hésitation est la conséquence de la qualité des informations émises par les autorités médicales sur la sécurité et l’efficacité des vaccins et de la capacité des personnes ciblées à assimiler de telles informations. C’est cette vulgarisation de l’information, sa crédibilité et sa pertinence qui déterminent le niveau de confiance dans les produits, le personnel médical, l’élite scientifique, donc… le système de santé.
Les informations contenues dans le Vaccine Confidence Project permettent aussi de comprendre que l’adhésion s’érode quand des doutes sont soulevés sur les vaccins, non pas par des conspirationnistes, mais d’abord et avant tout, par l’incohérence des messages des autorités de la santé publique, des scientifiques, les leaders politiques et dans une moindre mesure, par des leaders religieux.
Nulle part dans le rapport du Vaccine Confidence Project, une enquête qui, je tiens à vous le rappeler, a été menée auprès de 294 groupes ethniques, il n’est question de comportements liés à l’appartenance ethnique ou culturelle. Nulle part.
Si le Japon est le pays ou la confiance dans les vaccins est le plus bas, c’est parce qu’en juin 2013, le Ministère de la santé avait suspendu une campagne de vaccination contre le virus du papillome humain pour des raisons de sécurité. Aux Philippines, en 2017, la confiance dans les vaccins a chuté quand la compagnie Sanofi a retiré le Dengvaxia. Le fabricant craignait que son vaccin ne pose un danger pour toute personne qui aurait été préalablement infectée de la dengue. Dans ces deux cas, c’est le Vaccine Controversy qui a renforcé le Vaccine Hesitancy.
Dans ces deux épisodes, il n’est pas question de comportements liés à l’appartenance ethnique, mais bien de la perte de confiance dans les compagnies pharmaceutiques et leurs produits et dans la capacité des autorités médicales à faire des décisions réfléchies et éclairées, une sombre histoire qui semble se répéter en 2021 avec les vaccins de AstraZeneca et de Johnson&Johnson, une compagnie qui, en mars 2021, suite à une procédure de contrôle de la qualité, avait mis aux vidanges 15 millions de doses parce que ses employés s’étaient trompés dans le mélange des ingrédients.
Même si en toute logique, le retrait des vaccins devait servir à protéger le public, il a plutôt alimenté les doutes des citoyens dans l’écosystème de la santé au Japon et aux Philippines. Ici comme ailleurs, la vaccination est un des anneaux du système. Lorsque cet engrenage s’enraye, la chaine débarque et on se met à pédaler dans l’beurre juste au moment où on arrive devant la côte.
Menée en août 2020, l’enquête du Australian National University Centre for Social Research and Methods révélé que 31.9% des habitants de ce pays aurait refusé de se faire vacciner. Les plus réfractaires au vaccin sont les femmes, les Indigènes, les personnes qui ne parlent pas Anglais à la maison et celles qui ont moins de 12 ans de scolarité. Rendu là… vous ne serez pas surpris d’apprendre que cette étude a précisé que ces personnes avaient perdu confiance dans le système de santé de leur pays et parfois même, dans l’avenir. Comme par hasard, ça adonne que ce sont les plus vulnérables, les plus isolés.
En Grande Bretagne, le Oxford Coronavirus Explanations, Attitudes, and Narratives Survey a effectivement dénoté une variation dans les hésitations chez les jeunes, les femmes, les personnes à faible revenu et les Afro-descendants. Mais l’étude précise que ce sont des gens qui, au départ, avaient perdu confiance dans le système de santé et les autres institutions de l’État. Ces personnes disent refuser d’être des cobayes aux mains de gens qui ne leur souhaitent pas du bien.
Aux États-Unis, chaque année, les autorités américaines se donnent pour objectif de vacciner toute la population de 6 mois et plus contre la grippe. Puisque le taux d’efficacité annoncé pour ces vaccins ne dépasse jamais 60%, les gens ont fini par croire qu’ils sont inefficaces et à contrario, qu’ils pourraient les rendre malades. Là aussi, les Américains ont perdu confiance dans la vaccination. Comme de fait, dans les meilleurs scénarios, le taux de vaccination contre la grippe ne dépasse jamais 50% de l’objectif. Par ailleurs, en Suisse, te taux de médecins vaccinés contre la grippe est de 70%. le 1er mai 2021, Aïna Skjellaug précisait dans le journal Le Temps que de tout le personnel médical du pays, les infirmières et les infirmiers sont les plus réfractaires au vaccin contre la grippe avec un taux qui stagne autour de 30 à 40%.
Toujours aux États-Unis, le Kaiser Family Foundation a découvert dans ses recherches que 27% des Américains et des Américaines dirait non ou probablement non au vaccin contre la Covid-19. De plus, le Kaiser Family Foundation a révélé que 10% des Blancs contre 14% des Afro-américains de 65 ans et plus, parce qu’ils n’ont pas confiance dans les vaccins, préfèrent attendre les effets secondaires sur d’autres personnes vaccinées. Cette tendance est généralisée. Aujourd’hui, partout sur la planète, les autorités médicales comptent sur l’effet d’entrainement du Wait-And-See. Mais, pour que ce phénomène fonctionne, il faut donner la possibilité aux gens de changer d’idée sans avoir l’air épais. Je dis ça d’même.
Une étude du University of Chicago a révélé que seulement 24% des Afro-américains comptaient se faire vacciner. Cette information a été contredite le 5 avril 2021 par CNN qui a révélé que c’était plutôt 55% des Afro-américains qui le souhaitait. Le 2 février 2021, le Consumer Report a ajouté à la confusion en disant que 46% des Afro-américains âgés de 18 à 44 ans était ouvert à la vaccination.
Quand tout le monde était convaincu qu’il y avait une nette différence entre la volonté des Afro-américains et celle du reste de la population, le NPR/PBS NewsHour/Marist survey est venu mettre la bisbille dans le chaos. D’abord, cette enquête a révélé que les plus réfractaires au vaccin, les champions toute catégorie, sont les hommes blancs républicains. Pour ajouter au paradoxe, les résultats publiés le 12 mars 2021, disent que 73% des Afro-américains et 70% des Blancs comptaient se faire vacciner ou avaient déjà reçu une première dose. Oui, vous avez très bien compris. Malgré tout ce que vous avez entendu jusque-là, des experts ont certifié que les Afro-américains seraient plus enclin que les Blancs à se faire vacciner. La vérité c’est que les enquêtes et les sondages sont plus fiables que les données ethniques empiriques.
Le 2 mars 2021, Christine Vestal écrivait sur le site du Pew Research Center que « States have been widely criticized for failing to collect race and ethnicity data on the people who receive vaccinations. As a result, it’s unclear exactly what percentage of racial and ethnic populations are getting vaccinated ». Dans le même article Rebecca Coyle, Directrice générale du American Immunization Registry Association, l’organisation qui regroupe des experts en vaccination, disait que les vaccinateurs avaient développé l’habitude de demander l’appartenance ethnique de leurs patients, mais que rien n’oblige ces derniers à ainsi s’identifier. C’est pas tout. Il y a pire que ça.
On apprend aussi que dans les formulaires officiels des cliniques et des hôpitaux américains, les patients choisissent souvent de ne pas remplir la section sur leur appartenance ethnique parce qu’ils craignent que ces informations servent à les identifier pour les discriminer. Il est inutile de vous dire que leurs réflexes sont le reflet du manque de confiance dans le système. D’autres vous diraient que c’est comme ça qu’ils enclenchent leur mécanisme de défense face au racisme dont le système n’arrive pas à se débarrasser. Demandez aux principaux intéressés, ils vous confirmeront que depuis des siècles, c’est comme ça que ça se passe dans The land of the freak and the home of the slaves.
Je ne vous apprends rien si je vous dis que les données médicales ethniques ne sont rien de moins qu’une évaluation basée sur des informations empiriques parcellaires qui sont combinées à une extrapolation faite à partir des codes postaux des personnes qui demandent des soins de santé. Disons que ça vaut, c’que ça vaut… Pas grand’chose.
Parce que la collecte de données ethniques est programmée pour donner des résultats incohérents et peu fiables, l’Arizona, le Vermont et l’État de Washington utilisent plutôt le Vulnerability index. Les indicateurs sur le revenu des ménages, l’accessibilité au transport en commun, le niveau d’éducation, la maitrise des langues officielles, l’état de santé générale, le nombre de personnes par logement… permettent de préparer des campagnes de prévention ou d’action, en fonction des réalités socioéconomiques et non pas en fonction de l’épiderme de la majorité des résidents d’un quartier.
C’est pour toutes ces raisons que je dénonce celles et ceux qui, à chaque situation qui leur est présentée, choisissent la voie rapide de l’analyse paresseuse et expéditive basée sur l’ethnie. Et bien non… Toutes les réalités ne peuvent être ethnicisées. Avant d’épidermiser les problèmes, commençons par nous rappeler que les Afro-descendants pauvres ont les mêmes problèmes que les Autochtones pauvres et qu’ils répondent avec les mêmes réflexes sociaux de pauvres que les Asiatiques pauvres et la même méfiance que les Blancs pauvres.
Retournons en Grande Bretagne. Dans une enquête menée par le Office of National Statistics (ONS) entre le 13 janvier et le 7 février 2021, on découvre que 44% des Afro-descendants hésitaient à se faire vacciner. Lorsque reproduite entre le 17 février et le 14 mars 2021, la proportion est tombée à 22%. L’ONS dit qu’entre les 2 périodes, dans toutes les catégories de population, jeunes, femmes, personnes à faible revenus… les gens avaient fini par développer un sentiment positif envers la vaccination.
En France, le journal Le Monde rapportait le 19 avril 2021 qu’un sondage mené en février de la même année, disait que seulement 60% des professionnels de la santé était ouvert à la vaccination. Quand 68% de cette population avait reçu une première dose en avril 2021, Alexis Spire, directeur de recherche en sociologie au CNRS, avait dit que ça confirmait que ces gens n’étaient pas réfractaires au vaccin. Ils n’étaient pas hostiles, mais hésitants. Et si c’était l’effet du Wait-And-See ?
En Suisse, en octobre 2020, on apprend que 56% des personnes questionnées dans le cadre des enquêtes du Corona Monitor de l’Institut Sotomo sur leur intention de prendre le vaccin contre la Covid-19, était indécise. En janvier 2021, ce taux est tombé à 34% pour atteindre la normale de 28% en mars 2021. Dans un article de RTS Média on peut lire que la volonté des Suisses de se faire vacciner contre la Covid-19 avait augmenté au même rythme que la confiance dans les informations transmises par les autorités. De toute évidence, le système s’était ajusté.
La Sociologue de la santé Claudine Burton-Jeangros disait sur RTS Média que les gens qui sont hésitants, se posent des questions. S’ils n’ont pas des réponses satisfaisantes, il est normal qu’ils retardent leurs décisions. Claudine Burton-Jeangros aurait pu dire que c’est ça le baromètre du Vaccine Hesitancy… Le nombre d’indécis.
Par ailleurs, Daniel Freeman, Professeur de psychologie Clinique au Département de psychiatrie de l’University of Oxford dit qu’il faut considérer que les personnes qui hésitent à prendre le vaccin comme des gens en réflexion, des indécis qui attendent des informations sur les avantages et les inconvénients de la vaccination. Il a ajouté que les autorités publiques doivent les écouter, les comprendre et leur fournir une réponse claire pour les convaincre d’assumer la responsabilité collective de se faire vacciner. Et c’est cette ouverture qu’ils attendent pour recommencer à faire confiance au système. La transparence. Il n’y a pas de confiance sans transparence.
Alors qu’en est-il du « Vaccine Hesitancy » au Canada et au Québec ?
Andrea Perna a écrit dans Investigating Vaccine Hesitancy in Canada qu’en 2009, lors de la pandémie du H1N1, Statistiques Canada avait démontré que 74% des Canadiennes et des Canadiens était convaincu que ça ne valait pas la peine de se faire vacciner et 68% de cette population se disait capable de se protéger par ses propres moyens. À cela ajoutez que 78% d’entre eux disait que les médias avaient exagéré la crise. Ils n’hésitaient pas. Ils n’étaient pas indécis. Coast to coast les Canadiennes et les Canadiens ne voulaient rien savoir.
L’enquête d’Andréa Perna dit aussi que les variables qui expliquent ce refus sont sociétales mais aussi que ce refus s’explique par la conviction des uns, d’être capables de gérer et d’assumer les risques. Rien à voir avec l’appartenance ethnique. Rien pantoute.
En 2019, l’enquête Determinants of vaccine hesitancy in Quebec, portait sur la situation en Estrie. L’équipe de Maryse Guay avait conclu que dans cette région du Québec, les campagnes de vaccination devaient ciblés les indécis. L’étude révèle que ces indécis, ce sont les fumeurs, les personnes en situation de faible revenu et celles qui font peu confiance au système de santé. C’est vrai que ça fait un boute je n’ai pas fait une trotte en Estrie, mais aux dernières nouvelles, c’est pas la place où on trouve la plus forte concentration d’Afro-québécois. Je dis ça d’même!
Une enquête de Angus Reid disait qu’en septembre 2020, le taux d’adhésion à la vaccination des Afro-canadiens était de 39% et qu’il était monté à 55% en mars 2021. Cette dernière mesure, confirmée par Statistiques Canada prouvait que, comme en Suisse et en Grande Bretagne, leur taux adhésion semble augmenter avec le temps. Donc, les Afro-canadiens ne refusent pas. Ils mettent plus de temps que la majorité à faire leur choix. Ils ne refusent pas. Ils hésitent. Ils ne refusent pas. Ils sont indécis. Ils ne refusent pas. Ils sont laissés en pâture. Ils patientent en attendant que les anti-vaccins capturent et dépouillent leurs proies.
Le Oxford Coronavirus Explanations, Attitudes, and Narratives Survey a permis d’identifier la principale raison qui se cache derrière le scepticisme et les hésitations devant les campagnes de vaccination contre la Covid-19. D’abord, l’efficacité et la sécurité des vaccins restent à démontrer. Ajoutez à cela le manque d’informations sur les produits et leurs potentiels effets secondaires. Mais, avant tout, pratiquement toutes les études que vous pouvez consulter sur la question, vous confirmeront que, partout dans le monde, incluant la terre de nos aïeux et notre société distincte, c’est la vitesse à laquelle les vaccins ont été développés qui représente la plus grande crainte éprouvée par nos compatriotes. Et pourtant !!!
Dans une entrevue accordée au journal Le Temps le 27 novembre 2020, la Pédiatre Claire-Anne Siegrist, Cheffe du Centre de vaccinologie des Hôpitaux universitaires de Genève, disait que « c’est vraiment stupéfiant, quand on pense qu’on met en général une dizaine d’années à développer un nouveau vaccin ». Elle avait ajouté que plusieurs éléments avaient permis cette prouesse, dont la mobilisation sans précédent des laboratoires pharmaceutiques et universitaires qui ont concentré leur effort de recherche.
Pour Claire-Anne Siegrist, la vitesse avec laquelle les vaccins ont été développés par le fait que les compagnies pharmaceutiques pouvaient accélérer la cadence et prendre des risques parce que des États leur avaient offert des budgets pratiquement illimités. C’est ainsi que Pfizer et Moderna avaient pu concentrer leurs efforts sur l’ARN, une technique qui faisait l’objet d’études depuis une dizaine d’années. Si Claire-Anne Siegrist avait été mandatée pour vous rassurer, si vous prêtiez oreille à ses dires, vous auriez réalisé que, comme tous les autres vaccins, il a fallu une dizaine d’années pour développer ceux contre la Covid-19.
Mais d’abord et avant tout il faudra se résigner à admettre qu’être Afro-descendant ne fait pas automatiquement de qui que ce soit un pereux. Leur indécision serait un indicateur du niveau de confiance résultant du déficit de services qui leur seraient offerts et des ratées des stratégies de communication qui ne sont pas adaptées à leurs réalités sociales et qui contribuent à les isoler des enjeux et des débats.
Retarder la vaccination n’est pas une question idéologique. Je pourrais expliquer le phénomène par le niveau de confiance des Afro-canadiens dans les compagnies pharmaceutiques. Il faudrait que je vous raconte les expériences létales de leurs aïeux avec le Big Pharma. Mais je serais incapable de faire la corrélation avec leurs hésitations actuelles. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de liens. Moi, je ne suis incapable de les trouver, à moins de me fier à des rumeurs et des perceptions. En même temps, je me dis qu’aucun parent qui refuserait de tels soins pour soi, ne laisserait des gens planter une aiguille dans le bras de leurs enfants pour leur éviter d’attraper la rougeole et la rubéole. Or, jusqu’à date, personne n’a démontré que les enfants afro-québécois n’étaient pas vaccinés au même niveau que les autres enfants de la province.
Retarder la vaccination n’est pas une décision économique. Partout sur la planète, les vaccins sont gratuits. Je pourrais expliquer le phénomène par la méfiance des Afro-québécois envers le système. Mais, je n’ai pas l’énergie pour polémiquer avec le seul gars qui veut se faire accroire que « le mot en RS » n’existe pas. Tiens, tiens. Justement, en parlant du loup…
Au début de la pandémie, Justin Trudeau, François Legault et tous les autres Premiers ministres du pays, répétaient à tue-tête que leurs décisions étaient guidées par la science. Mais, lorsque des scientifiques ont réussi à inventer un vaccin et qu’ils les ont testés sur des humains et qu’ils ont prescrit que la 2e dose soit administrée après 21 ou 28 jours, le Comité consultatif national de l’immunisation s’est permis de fixer la 2e dose à 42 jours.
In the meantime… Aux États-Unis, Anthony Fauci directeur du National Institute of Allergy and Infectious Diseases, disait sur CNN « Whatever you’re hearing, one dose of the Moderna and one dose of the Pfizer is not optimal. Optimal is one dose of Pfizer, followed in 21 days by the boost. Or one dose of Moderna followed in 28 days with a boost if you want optimal protection and optimal durability ». Anthony Fauci, celui qui est devenu le dieu de remplacement quand les vrais dieux se reposent, demandait aux politiciens de respecter leurs engagements initiaux… se laisser guider par la science.
Puis, le 14 janvier 2021, face à une pénurie de vaccins, le gouvernement du Québec a décidé d’attendre 90 jours avant d’administrer cette deuxième dose tout en précisant qu’il ne garderait rien en réserve pour celles et ceux qui avaient reçu la première dose. Le 7 avril 2021, le Comité consultatif national de l’immunisation est revenu à la charge et a fait passer le délai entre les deux doses à 120 jours, tout en précisant que c’est parce que l’approvisionnement en vaccins était limité.
In the meantime… Lors d’un événement virtuel de World Economic Forum, Anthony Fauci, le demiurge consacré, avait ajouté qu’il fallait respecter la posologie émise par les fabricants. Autrement, rallonger les délais pourrait favoriser l’apparition de variants.
In the meantime… Vous avez constaté comme moi, comment nos leaders se sont donnés le mot pour scrapper la confiance résiduelle dans les vaccins, la classe politique, les scientifiques et le système de santé. Si vous ne l’aviez pas encore deviné, maintenant vous savez comment donner du carburant au Vaccine Hesitancy. Comme au Japon et aux Philippines, c’est l’incohérence du discours et des décisions qui a fait varier le nombre d’indécis au Canada, toutes communautés confondues.
Évidemment, ce sont les mêmes leaders qui disaient que nous sommes trop nonos pour porter un masque sans nous empoisonner qui ont fini par nous les imposer. Ils disaient aussi que les couvre-feux, c’était pour les périodes de guerre et d’insurrection. Vous connaissez la suite. Ce sont ces mêmes personnes qui disaient que le vaccin ne serait pas obligatoire qui ont exigé que le personnel médical le prenne au risque de perdre leur revenu d’emploi. Pour éviter qu’ils perdent les pédales, faisons semblant de ne pas avoir remarqué leurs valses-hésitations autour des vaccins de Johnson & Johnson et d’AstraZeneca.
Pour ne pas contribuer à la perte de confiance, je ferme les yeux, j’ouvre la bouche et j’avale les matches d’improvisations électoralistes opposant des politiciens qui ne réalisent même pas qu’ils remettent en question leurs propres compétences en pleine crise sociale, économique et sanitaire. Le compromis politique rassurant qu’ils nous avaient offert dans les premiers jours de la crise a rapidement éclaté. Parce que ces politiciens sont trop pressés de retrouver leur zone de confort, ils ont tout fait pour transformer la crise sanitaire en crise politique et ainsi faire des provisions pour leur campagne électorale.
Ce qui est encore plus frustrant, c’est que tout le monde savait que le succès de la vaccination reposerait sur la confiance. J’en veux pour preuve le titre d’un article publié dans Le Devoir du 28 mai 2020. « Legault prépare une offensive publicitaire pour garder la confiance du public ». Le journal précise qu’entre autre objectif, le Premier ministre voulait augmenter la confiance à l’égard du plan gouvernemental en s’assurant qu’au moins 95 % des répondants du public cible ait confiance dans les mesures prises par le gouvernement du Québec.
Le 30 octobre 2020, La Presse publiait un article dont le titre est « Des études précipitées érodent la confiance du public, selon un rapport ». Ce rapport, c’est celui du Groupe de travail de la Société royale du Canada sur la Covid-19 qui disait que pour maintenir la confiance, les scientifiques, les responsables de la santé publique, les politiciens et les journalistes ne devraient pas laisser le sentiment d’urgence leur enlever l’obligation de transparence sur les éléments d’information dont ils disposent, mais aussi sur les faiblesses de telles informations.
De son coté, Santé Canada admet que la confiance dans le système de santé est déterminée par la difficulté de comprendre et d’interpréter les informations pertinentes. L’isolement social et l’incapacité d’identifier et de se présenter à un centre de vaccination, sont les autres facteurs clés pour comprendre pourquoi certaines communautés ethniques ou géographiques, même si elles ne sont pas réfractaires, ne se sentent pas interpellées, ni concernées encore moins respectées.
Et voilà… C’est ça la clé de l’énigme. Les gens n’ont pas confiance en ceux qui les ignorent.
La bonne nouvelle… Jaris Swidrovich, Assistante professeure au University of Saskatchewan College of Pharmacy and Nutrition a rappelé que le Vaccine Hesitancy n’est pas un refus. Quand les gens reçoivent des réponses crédibles et cohérentes à leurs interrogations, ils sont équipés pour faire des décisions éclairées. Le 22 janvier 2021, le Baylor Institute of medicine disait qu’il ne suffit pas de proposer un vaccin sur la Covid-19 mais qu’il faudrait que cette proposition soit précédée par une éducation populaire pour faire abattre les peurs et les inquiétudes. C’est exactement ce que disait le Groupe de travail de la Société royale du Canada sur la COVID-19. Ces informations doivent être fiables pour mériter la confiance du public. La crédibilité. Il n’y a pas de confiance sans crédibilité.
Et oui… L’adhésion au vaccin passe par le « Trust-Building ». C’est la première et incontournable étape dans le processus du Preparedness, readiness and delivery. C’est cette étape qui a été escamotée au nom de l’urgence. Au final, disent les rapports du Vaccine Confidence Project et de Santé Canada, quelle que soit son appartenance ethnique, une personne qui ne trouve pas l’information adéquate, se tournera inévitablement vers les membres de sa famille, des amis ou d’autres personnes influentes qui risquent, elles aussi, de ne pas être capables de bien maitriser l’information et qui lui proposeront des alternatives non-scientifiques.
Alors, dites-vous que si les personnes afro-descendantes sont indécises, c’est parce qu’elles font partie des centaines de milliers de Canadiens et de Québécois qui ont perdu confiance dans les compagnies pharmaceutiques et leurs produits, leurs gouvernements et le système de santé qui, dès le début de la pandémie, les a ignorées au nom de l’urgence. C’est ce même système qui a la bonne habitude de les isoler, de les infantiliser et de les imbéciliser. L’histoire retiendra que c’est aussi ce même système qui garde jalousement la vilaine coutume de les culpabiliser à la moindre dérape. That’s it. That’s all !!!
Quant à moi… je crois que qu’il faut profiter de cette pandémie, non pas uniquement pour vacciner le maximum de gens mais surtout pour rebâtir la confiance dans les gouvernements, les scientifiques, le système de santé et dans l’ensemble des organisations de l’État. Si je ne me trompe pas, c’est que dit le rapport du Vaccine Confidence Project après avoir démontré que le Vaccine Hesitancy n’est pas lié à l’appartenance ethnique.
Quant à vous… sachez tout de même que le Australian Health Promotion Association a rappelé que les gens aisés comme vous, sont aussi réfractaires aux vaccins que les pauvres. Ils se disent assez éduqués et informés pour gérer seuls les risques liés à leur santé. Il y a des gens qui croient que c’est leur confiance en soi et non pas la couleur de leur peau qui reflete leur méfiance envers le système de santé.
Et oui, il arrive parfois que, devant la même situation, les vénérables offrent la même opposition que les vulnérables, mais pas une seule fois, pour les mêmes raisons.
Frédéric
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